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ENQUÊTE 

Covid : le sentiment d’abandon des immunodéprimés, toujours sans défense

31 mars 2024 | Par Caroline Coq-Chodorge

Quatre ans après la première vague, le virus reste mortel. Et menace toujours les personnes âgées, en surpoids ou immunodéprimées. Mal protégées par le vaccin, ces dernières se sentent abandonnées par le reste de la population, qui a renoncé à tout geste barrière.

Quatre ans après sa propagation, le Covid reste un virus atypique, car il circule la plus grande partie de l’année. En 2023, une première vague de décès mentionnant le Covid a débuté en mars et s’est achevée en juin ; puis une nouvelle vague a débuté dès le mois d’août, oscillant jusqu’à culminer début janvier. Le nombre de décès est à l’heure actuelle au plus bas.

Les décès attribués à la grippe courent au contraire sur une courte période, quelques semaines seulement. Santé publique France ne fournit pas de chiffres sur la mortalité liée au Covid comparée à celle liée à la grippe, mais l’infographie ci-dessous est limpide : il y a bien plus de décès du Covid que de la grippe. 

Ces vagues successives s’expliquent par les mutations incessantes du Sars-CoV-2, qui échappe à l’immunité acquise. « On a l’impression que le virus présente un fort taux de mutation. Il mute bien plus que les autres virus respiratoires : la grippe ou le virus respiratoire syncytial (VRS) », explique le professeur Slim Fourati, virologue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne).

Quatrième dose de vaccin anti-Covid, immunodéprimés : le flou des recommandations
Victimes du virus, les immunodéprimé·es peuvent aussi vivre longtemps avec lui. Les conditions deviennent alors idéales pour sa réplication : « Les infections des personnes immunodéprimées doivent être suivies de près, parce qu’elles peuvent durer plusieurs semaines et faire le lit de nouveaux variants, précise le médecin. À chaque réplication de ces virus à ARN, il y a des erreurs, des mutations aléatoires qui font émerger de nouveaux variants, qui peuvent avoir un avantage sélectif : être plus transmissibles, ou échapper à l’immunité acquise. »

Le SARS-CoV-2 n’a pas perdu en sévérité pour les personnes les plus fragiles. Quarante services de réanimation en France ont suivi, depuis 2022, une cohorte de 233 patient·es gravement malades du Covid. Une étude prépubliée le 13 mars compare l’état de santé des patient·es atteint·es par le sous-variant Omicron XBB en novembre 2022, à celui des personnes infectées par le sous-variant JN1 en janvier 2024.

Les patient·es en réanimation infecté·es par JN1 sont plus souvent obèses que celles et ceux infectés par XBB (31,5 % en 2024, contre 20,8 % en 2022). Ils sont en revanche un peu moins immunodéprimés (20,4 % en 2024, contre 41,4 % en 2022). « Cette proportion de 20 % d’immunodéprimés reste cependant très importante, ils restent surreprésentés par les patients infectés par le virus », souligne le professeur Fourati.

L’avenir de l’épidémie de Covid-19 reste très incertain : « Ce virus continue évoluer, on ne peut pas exclure la possibilité d'évolution vers une plus grande sévérité », met en garde le virologue.

Une possible bonne nouvelle des États-Unis
Face à ce virus qui mute sans cesse, la réponse thérapeutique a toujours un temps de retard, explique Yvanie Caillé, porte-parole de l’association de malades du rein Renaloo : « 30 % environ des personnes greffées d’organes ne répondent pas à la vaccination, parce qu’elles prennent des traitements immunosuppresseurs [qui limitent l’action du système immunitaire – ndlr] pour prévenir les rejets. Les laboratoires pharmaceutiques ont développé des médicaments préventifs, des anticorps monoclonaux. Certains se sont avérés efficaces, mais sur une courte période. »

« Aujourd’hui, le temps des essais cliniques est trop long face au virus : quand le médicament est commercialisé, il n’est déjà plus efficace, regrette la porte-parole. Les laboratoires sont échaudés par ces mauvaises expériences. L’été dernier, dans une tribune parue dans Le Monde, nous dénoncions déjà, aux côtés de médecins, les efforts insuffisants de la recherche. »

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) indique que le seul anticorps monoclonal aujourd’hui recommandé, en prévention, est l’AZD3152, du laboratoire Astra Zeneca  autorisé de manière compassionnelle : ce médicament n’a pas encore obtenu son autorisation de mise sur le marché, mais peut être prescrit par des médecins, si le pronostic vital du ou de la patiente est engagé et s’il n’existe pas d’autre traitement efficace. « Les premières informations montrent qu’il est très peu utilisé », se désole Yvanie Caillé.

Une possible bonne nouvelle vient de tomber : aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence des médicaments, vient d’autoriser en urgence un nouvel anticorps monoclonal, le Pemgarda, de la biotech Invivyd. Mais pour l’instant, aucune commercialisation n’est prévue en Europe.

Pour ces malades, la réponse thérapeutique curative, après l’infection, est tout aussi inopérante. Le seul médicament efficace est l’antiviral Paxlovid, mais il entre en interaction avec de nombreux médicaments, notamment ceux des greffés d’organes. Le 21 mars dernier, l’ANSM a une nouvelle fois alerté les prescripteurs sur des « cas graves, fatals pour certains, résultant d’interactions médicamenteuses entre Paxlovid et des immunosuppresseurs ».

J’aurais aimé qu’un respect minimum des gestes barrières entre dans les habitudes : quand on est enrhumé, fiévreux, il faut porter un masque.

Florent Girard, membre de l’association Vaincre la mucoviscidose
Toujours fragiles, les personnes immunodéprimées se sentent abandonnées par les autorités de santé, qui ne délivrent aucun message de santé publique, et par la population. « [Cette dernière] veut tourner la page, elle manque aussi d’informations sur notre situation, dénonce Yvanie Caillé. Une part des immunodéprimés s’excluent de la vie sociale. Pour ma part, je n’ai pas repris ma vie d’avant : je porte des masques FFP2 dans les transports, et quand je vais au cinéma, rarement, je choisis des séances de faible affluence. Quand il y a trop de monde dans un lieu clos, je suis assez angoissée. »

Le virologue Slim Fourati « comprend le sentiment d’abandon des immunodéprimés, même si cela paraît aujourd’hui très complexe de remettre les mesures barrières » : « À l’hôpital au moins, j’ai l’impression que la consigne du port du masque par les patients comme par les soignants a été bien respectée », assure-t-il.

Ce n’est pas ce que constatent les patient·es fragiles, comme Florent Girard, membre de l’association Vaincre la mucoviscidose. « Je suis régulièrement hospitalisé pour la journée. Dans ma chambre, les soignants portent le masque. Mais ce n’est pas le cas dans les autres services, par exemple en radiologie. Notre association reçoit beaucoup de témoignages dans ce sens », dénonce-t-il.

Greffé des poumons, lui aussi se sent en danger dans l’espace public : « Je porte un masque FFP2 dans les transports en commun. Mais j’ai le chic pour que quelqu’un m’éternue dessus. » Ses attentes sont pourtant limitées : « J’aurais aimé qu’un respect minimum des gestes barrières entre dans les habitudes : quand on est enrhumé, fiévreux, il faut porter un masque. Dans un train, je me suis retrouvé à côté d’une personne en sueur, qui n’arrêtait pas de tousser. J’ai du passer le voyage dans le sas entre deux wagons. J’ai déjà essayé de proposer un masque, je me suis fait rembarrer. »

Parmi ses proches, la compréhension et l’attention varient. Dans sa famille et son cercle amical, il est parfois confronté à des réactions hostiles : « Quand j’organise des fêtes familiales, certains proches me disent qu’ils préfèrent ne pas venir pour ne pas avoir à porter le masque. À leurs yeux, je dramatise, je devrais passer à autre chose. Je dois trouver des compromis : j’ai aménagé ma terrasse, avec des bâches, pour être en extérieur. Je reste masqué, à distance. C’est nous qui devons nous adapter. »




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