MEMOIRES ET PARTAGES
Quartier «La Négresse» à Biarritz : la mairie ne retrouve pas le texte qu'on lui demande d'abroger
Le 6 février dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux a sommé la maire de la commune basque de faire abroger, dans un délai de trois mois, deux délibérations municipales de 1861 et 1986.
Nouveau rebondissement dans l’affaire du quartier de «La Négresse» à Biarritz. Sommée par la justice de débaptiser ce tronçon de la Ville, la mairie a introduit un recours, faute d’avoir pu retrouver la délibération du XIXe siècle qu’on lui demande d’abroger, a appris l’AFP ce mercredi.
Le 6 février dernier, la cour administrative d'appel (CAA) de Bordeaux avait fait droit à une demande de l'association Mémoires et Partages, qui demandait à la maire de la commune, Maider Arosteguy (LR), de faire abroger, dans un délai de trois mois, deux délibérations municipales. Datés du 22 octobre 1861 pour l'un, du 1er juillet 1986 pour l'autre, ces textes ont attribué le nom «La Négresse», respectivement, à un quartier puis à une rue de la ville. La cour a jugé cette appellation «de nature à porter atteinte à la dignité de la personne». Problème : «Cette délibération de 1861 n'existe pas», a indiqué ce mercredi à l'AFP Maider Arosteguy, confirmant une information de la radio Ici Pays basque.
Selon Jean-Loup Ménochet, historien spécialiste de la ville de Biarritz depuis 25 ans, le nom de «La Négresse» est bien mentionné dans la délibération du 22 octobre 1861. «Mais il ne s’agit pas d’un texte qui acte le nom du quartier en tant que tel», explique-t-il au Figaro. «Il y a en effet eu un conseil municipal extraordinaire à cette date. Mais il évoque en réalité Napoléon III, qui donne de l’argent pour aménager les promenades autour du lac de La Négresse, renommé aujourd’hui lac Mouriscot», poursuit l’historien, qui souligne ne pas avoir été mandaté par la Ville et avoir fait ses recherches indépendamment.
«Requête en rectification d’erreur matérielle»
Aussi, l'avocat de la Ville a-t-il introduit une «requête en rectification d'erreur matérielle» auprès de la CAA pour qu'elle exclue de sa décision la mention du quartier. «Le nom de la rue, dont la naissance figure sur la délibération de 1986, pourrait être changé, mais pas celui du quartier, puisqu’aucun texte n’acte sa naissance, ni celui de 1861, ni aucun autre», partage Me Pierre Cambot au Figaro. «C'est une situation ubuesque sur le plan juridique», complète la maire.
Pour Mémoires et Partages, cette requête est une «énième élucubration» de la municipalité. «Quelle que soit l'origine de la dénomination, elle reste raciste et sexiste», fustige son président Patrick Serres, accusant la mairie de Biarritz de «mauvaise foi».
La Ville, qui s'oppose à l'association depuis plusieurs années, s'est par ailleurs pourvue devant le Conseil d'État en ce qui concerne l'abrogation de la délibération de 1986. Mais la rue de «la Négresse» devra bien être débaptisée d'ici le 6 mai, ce recours n'étant pas suspensif. Une réunion publique se tiendra par ailleurs le 11 mars pour présenter les conclusions d'un travail de recherche que la ville a fait réaliser sur l'histoire du nom du quartier.
Plusieurs hypothèses pour expliquer le nom du quartier
L’origine du nom du quartier de «La Négresse» reste assez floue encore de nos jours. Avant le XIXe siècle, il s’appelait le quartier «Harausta», qui signifie «terre poussiéreuse», en basque. Par la suite, la légende raconte qu’au cours des années 1810, Bayonne, ville voisine, abrite un port négrier. Une femme noire serait alors arrivée dans la région, avant de rejoindre Biarritz, où elle aurait tenu une auberge. Des soldats de Napoléon Ier, l’auraient ainsi surnommée «la négresse».
Mais une autre hypothèse de cinq chercheurs de la région, dont Jean-Loup Ménochet, est venue chambouler l’origine de cette locution en 2024. «En réalité, l’histoire autour de cette aubergiste est une légende urbaine, racontée par Joseph Laborde, un historien incontestable, dans son livre La Paroisse Saint-Martin», expliquait au Figaro Jean-Loup Ménochet, en février dernier. Selon les chercheurs, il s’agirait alors d’une déformation des termes «lane gresse» ou «lane grasse», repérés dans plusieurs lieux-dits de la région, signifiant «landes d’argile». «Cela fait référence aux terres argileuses, et c’est là que nous avons recoupé notre information selon laquelle le quartier de La Négresse était autrefois un quartier de potiers et briqueteries», analysait Jean-Loup Ménochet.
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