LA TRAVERSEE DU GRAND BAIN
« Ça y est, moteur éteint, ancre plantée, nous sommes arrivés à 17 h ! 1 490 milles (2 759 km) entre Charlotte Amalie et New-York, 16 jours et une paire d'heures »
C’était il y a un an déjà, le samedi 22 juin 2024…
Avec le recul et la perspective d’autres projets nautiques, une question me paraît plus que jamais essentielle avant tout embarquement, au delà de l’aspect sécuritaire tant au niveau du matériel, des compétences que de l’éthique de l’équipage : quel est l’essentiel pour moi, la destination, le voyage ou la compagnie ?
La réponse est bien sûr très personnelle, en accord avec les finalités et les attentes de chacun. Un équipage soudé et inspirant, la volonté d’arriver coûte que coûte de l’autre côté de l’océan, la découverte vécue lors d’étapes, ou encore l’introspection, ce voyage intérieur où l’on rencontre sa propre compagnie ???
Pour moi et ce n’est que ma vision personnelle, le but est une motivation, la découverte un élément primordial mais je préfèrerais cent fois faire des ronds dans l’eau avec de belles personnes qu’un tour du monde vide de l’essentiel… Et vous, qu’en pensez-vous ?
Allez, je vous partage quelques extraits de cette arrivée à New-York…
« Ma traversée du grand bain »
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« Je n'arrive toujours pas à réaliser être ici, au seuil des États-Unis d'Amérique.
Nous échafaudons l’atterrissage(1) , repérant les mouillages et l’offre de transports dans le voisinage. Nous retenons deux possibles points de chute, Coney Island et Great Kills Harbour. Je me renseigne sur les curiosités touristiques afin d’élaborer l’esquisse d’un programme, commun ou pas, vu nos centres d'intérêt divergents.
Il y a dans l'ambiance une sorte de langueur, à l’unisson de la lente marche du bateau, ponctuée de timides clapotis, comme si nous pénétrions sur la pointe des pieds dans cette cité qui ne dort jamais.
Le soleil s'est voilé, une grappe de gratte-ciel se détache au loin dans une brume blanchâtre.
Je prépare des pâtes sauce tomate et câpres pour le déjeuner, devant cette ville pharaonique qui grossit à vue d'œil à travers un voile brumeux de pollution.
Nous distinguons à tribord, tels des champignons géants, des buildings et un majestueux pont à l'architecture emblématique dans leur prolongement.
A bâbord, un littoral sableux où sont alignées des stations balnéaires et des marinas sous un ciel plus mitigé et même annonciateur d’une giboulée, c'est du moins ce que nous croyons. J’enfile sur-pantalon imperméable et ciré sur ma marinière-pyjama pour parer à une aggravation météorologique probable.
(…)
Nous anticipons et accrochons le pavillon jaunâtre(2) , indiquant notre provenance de l’étranger et une situation migratoire à régulariser. Ce qui n'est qu'à moitié vrai, en venant des Îles Vierges américaines.
La route est émaillée de balises et bidules divers que nous négocions adéquatement grâce à une lecture appliquée de la carte.
Néanmoins, à quelques milles du but, nous relâchons la vigilance, plutôt genre globe-vogueurs photographes que marins d’eau salé. Tu as préparé très en avance le mouillage(3) en libérant l'ancre, ainsi prête à être descendue. Même si la terminologie nautique consacrée est « jeter l'ancre », je vous mets au défi de lancer efficacement la pièce de métal d'une vingtaine de kilos à la seule force de vos petits bras musclés.
Tu me demandes de te filmer avec ta tablette quand il commence à pleuvoir. Précautionneuse, je préfère glisser mon smartphone dans la poche de mon ciré. La pluie s'accentue, le vent forcit de façon fulgurante, le tonnerre gronde et les éclairs déchirent le ciel. Nous sommes pris de court. En un rien de temps, la pluie devient cinglante comme si on nous balançait des seaux d'eau sans discontinuer, la visibilité est nulle.
Tu allumes le moteur, m’enjoins de barrer et de suivre le cap que tu me montres du doigt sur le compas, tant il est difficile de nous entendre. Je ne vois que dalle à travers mes lunettes de soleil opacifiées par cette pluie battante, alors lire les graduations…
Sous une rafale assassine, tu affales la grand-voile qui se déploie dans le vent surexcité. Tu bondis dans le cockpit pour redresser le cap que je ne suis pas, attrapes les rabans, montes sur le roof pour la ferler(4) , intrépidement. C'est à cet instant qu'une série de bourrasques se succèdent, j'ai du mal à tenir le bateau, l’orage explose, Tao convulse, s’incline sous de brutaux coups de gîte, à 40/45 degrés bien qu’à sec de toile.
(…)
Ce bras de mer où nous mouillons seuls forme un petit lac qui fut un cimetière à bateaux si l'on en croit l’armada d’épaves décomposées. C’est émouvant, ces carcasses livrées à l’épreuve du temps.
Nous jouissons d’une vue sur le pont de Verrazanos-Narrows, du nom de l’italien Giovanni da Verrazano qui fut le premier européen à découvrir la côte Atlan-tique de l'Amérique du Nord, en 1524, la nommant « Nova Gallia » (Nouvelle France), à l'occasion d'une expédition financée par les marchands florentins de Lyon et par François 1er. Reliant Staten Island à Brooklyn et achevé en 1964, c'est le plus long pont de New-York avec ses 2 270 mètres.
Aux abords, un rivage verdoyant à la nature sauvage où s'ébattent des aigrettes, des canards et des nuées d’autres oiseaux. Au fond, un semblant de port désaffecté, deux ou trois bateaux à moteur et quelques voiliers plus ou moins coulés. En face, une cale, des bâtiments tagués comme désertés et un parking.
(…)
C'est bizarre de ne pas bouger, et ce silence à l'intérieur du bateau maintenant que les glouglous se sont tus. À l’extérieur, une musique surenchérit sur le bruissement urbain. J’ai l'impression que cette traversée n'a pas existé, un espace-temps suspendu au vent, en dehors de toute réalité. Ça a été à la fois si long et si court. Je ne savais jusqu'où j'irai, je ne sais toujours pas si je sillonnerai les océans à l’avenir, je sais juste que je suis arrivée. Je suis aux anges d’entrer à New-York par la mer. Je suis triste aussi parce que j'ai vraiment adoré et que c’est fini.
C'est ce soir la pleine lune mais nous ne la voyons pas."
1 Atterrissage : phase où le bateau passe d’une navigation en pleine mer à une navigation côtière avant d’accoster ou de mouiller près de la terre ainsi que toutes les opérations associées.
2 Pavillon jaune : il correspond à la lette Q de l’alphabet visuel et est hissé à bâbord quand le voilier entre dans les eaux territoriales d’un état étranger. Il signifie aux autorités douanières et d’immigration la disposition à faire les formalités d’entrée.
3 Mouillage : dispositif (ancre et chaîne notamment) servant à immobiliser le bateau.
4 Ferler : action de plier et attacher une voile sur son espar, ici la grand-voile sur la bôme, afin qu’elle ne prenne pas le vent. Ceci à l’aide de rabans : sangle ou bout servant à amarrer ou à fixer, notamment les voiles.

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