🐺 LE CHIEN ET LES CHACALS 🦊 !!!!!


Bonjour

Circule en ce moment sur la toile une mauvaise fable attribuée à La Fontaine et soi-disant datée de 1671, intitulée Le chien et les chacals. En deux mots, un chien nigaud laisse entrer chez lui un chacal et toute sa famille, et se retrouve bientôt dépouillé de tout et chassé de sa maison. On comprend sans difficulté l’allusion : ce texte doit se lire à la lumière de la situation actuelle de l’Europe face aux migrants.

chacalsNaturellement cette fable est un faux. Il n’y a aucun chacal dans le bestiaire de La Fontaine. La philosophie du bonhomme le portait plutôt à dire « Il se faut entraider, c’est la loi de nature » (l’Âne et le Chien) ou « En ce monde il se faut l’un l’autre secourir » (le Cheval et l’Âne). Quant à l’écriture de ce médiocre pastiche, elle enfreint toutes les règles de la versification en cours au XVIIè siècle.

Je ne sais ce qui me révolte le plus dans cette affaire : le fond xénophobe et haineux de l’histoire, l’idée qu’on se serve de La Fontaine pour donner un air de prudente sagesse à un comportement lamentable, ou le fait que j’ai des amis qui propagent ces méchants propos en étant bien incapables de s’apercevoir qu’il s’agit d’un faux grossier.

Les trois, je le crains. Pour les amis, cela m’attriste. « D’un certain sot la remontrance vaine » : voilà le vers authentique de La Fontaine qui m’est venu en pensant à celui qui a envoyé ou simplement transféré cette contrefaçon.


JAMAIS APPRISE À L'ÉCOLE....

Du coquin que l'on choie, il faut craindre les tours   
Et ne point espérer de caresse en retour 
Pour l'avoir ignoré, maints nigauds en pâtissent.
C'est ce dont je désire, lecteur, t'entretenir.
  
Après dix ans et plus d'homériques batailles,
de méchants pugilats, d'incessantes chamailles,
Un chien était bien aise d'avoir signé la paix 
avec son voisin, chacal fort éclopé,
Qui n'avait plus qu'un œil, chassieux de surcroît,
Et dont l'odeur, partout, de loin le précédait.
     
Voulant sceller l'événement et le célébrer dignement
Le chien se donna grande peine
Pour se montrer doux et amène.
Il pria le galeux chez lui, 
le fit entrer, referma l'huis,
L'assit dans un moelleux velours
Et lui tint ce pieux discours :

« Or donc, Seigneur Chacal, vous êtes ici chez vous !
Profitez, dégustez, sachez combien je voue
D'amour à la concorde nouvelle entre nous !
Hélas, que j’ai de torts envers vous et les vôtres,
Et comme je voudrais que le passé fût autre !
Reprenez de ce rôt, goûtez à tous les mets,
Ne laissez pas un iota de ce que vous aimez ! »
 
L'interpellé eut très à cœur
D'obéir à tant de candeur.
La gueule entière à son affaire,
lI fit de chaque plat désert 
Cependant que son hôte affable
Se bornait à garnir la table.
  
Puis, tout d'humilité et la mine contrite,
En parfait comédien, en fieffée chattemite,
il dit : «Mais, j'y songe, mon cher, 
Nous voici faisant bonne chère
Quand je sais là, dehors, ma pauvrette famille : 
Mes épouses, mes fils, mes neveux et mes filles,
Mes oncles et mes tantes que ronge la disette, 
Toute ma parentèle tant nue que maigrelette. 
Allons-nous les laisser jeûner jusqu'au matin ? »
  
"Certes non ! » répliqua, prodigue, le mâtin,
Qui se leva, ouvrit, et devant qui passèrent
Quarante et un chacals parmi les moins sincères.
Sans tarder cliquettent les prestes mandibules 
Des grands et des menus, même des minuscules.
Ils avaient tant de crocs, de rage et d'appétit,
Ils mangèrent si bien que petit à petit
Les vivres s'étrécirent comme peau de chagrin
Jusqu'à ce qu'à la fin il n'en restât plus rien. 
 
Ce que voyant, l'ingrat bondit :
« Ah ça, compère, je vous prédis
Que si point ne nous nourrissez
Et tout affamés nous laissez
tandis que vous allez repu,
La trêve entre nous est rompue !»

Ayant alors, quoi qu'il eût dit,
Retrouvé forces et furie,
Il se jeta sur son mécène, 
Et en une attaque soudaine 
il lui récura la toison, 
Aidé de toute sa maison. 
Puis, le voyant à demi-mort,
De chez lui, il le bouta hors. 
Et l'infortuné crie encore 

« La peste soit de mon cœur d'or ! »

Retenez la leçon, peuples trop accueillants :

À la gent famélique, point ne devez promettre.

Ces êtres arriérés, assassins et pillards

Marchent en rangs serrés sous le vert étendard.

Vous en invitez un, l'emplissez d'ortolans,

Et c'est jusqu'à vos clefs qu'il vous faut lui remettre.


La Fontaine s'est inspiré des fables  

d'Esope,  de celles d'un conteur indien 

Pilpay, auteur du Panchatantra au

IIIe siècle de notre ère. Les deux chacals de Pilpay Karataka et Damanaka , version pehlvi , sont devenus : Kalila wa Dimna, en une traduction  

arabe du Panchatantra d'Abdallah  

ibn al Muqaffah .

 

Or, ibn al Muqaffah,poète persan, a eu la

vision d'une meute de chacals, à la pensée des cavaliers  d'Othman ibn 

Affan, envahisseurs pilleurs de sa patrie un siècle et demi plus tôt.

L'allusion à la marche serrée des chacals sous l’étendard vert, une coïncidence fortuite de l'histoirere - sans doute.

Le père du poète,collecteur d'impôts,

suspecté de malversation fut torturé, 

ses doigts tranchés et grillés , et par dessus le marché contraint  de les manger. De cette horrible avanie, l'homme ne tint plus que recroquevillé,

d'où l'affublement du sobriquet : 

Al Muqaffah.

Le poète est Ibn al Muqaffah: 

le fils du recroquevillé.


JEAN DE LA FONTAINE : LES CHIENS ET LES CHACALS

Je  suis allé chercher dans les archives de Google la merveilleuse fable de Jean de LA FONTAINE mise en ligne par l’ami HUVELIN.

On résume : un gentil chien accueille un vilain chacal qui joue le malheureux. Finalement,   c’est le chacal qui bouffe le chien.

Une Arménienne du Liban m’avait dit en français traduit de l’arménien une fable du même genre : si vous invitez un musulman à table à midi, il  s’imposera le soir à diner et finira par prendre votre maison.

J’ai donc retrouvé ce que j’écrivais  dans la blogosphère ou sur blog avocat, je ne sais plus, le 3 novembre 2016.

L'ouvrage de référence est dans ma bibliothèque. Œuvres complètes de LA FONTAINE   au Seuil en 1965, avec une préface de Pierre CLARAC.

L'ennui est que la fable rapportée par HUVELIN est un faux. Elle n'existe (malheureusement) pas et elle est donc une création  hors LA FONTAINE.

Les seuls chiens trouvés dans les fables de LA FONTAINE sont au nombre de trois:

« Le chien à qui on a coupé des oreilles », « Le chien qui lâche sa proie pour l'ombre » et » Le chien qui porte à son cou le diner de son maitre ».


donc, en conclusion, cette fable existe bien même si elle n'est pas répertorié dans une édition des Oeuvres complètes de La Fontaine de 1965 ; elle le serait dans une édition par THE COMMODORE PRESS Ltd, plus ancienne, de 1946, que vous avez dans votre bibliothèque ? 

C'est vraisemblablement une édition en Anglais ?




Commentaires

  1. Pour être plus précis le chien figure dans 10 fables chez La Fontaine

    L'Ane et le Chien (*)


    L'Ane et le petit Chien
    La querelle des Chiens et des Chats et celle des Chats et des Souris
    Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre (*)
    Le Chien qui porte à son cou le dîné de son Maître (*)
    Le Chien à qui on a coupé les oreilles (*)
    Le Fermier, le Chien et le Renard
    Le Loup et le Chien
    Le Loup et le Chien maigre
    Les deux Chiens et l'Ane mort

    Bien cordialement


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