prix Nobel de littérature
Le prix Nobel de littérature
«Le prix Nobel de littérature est devenu le prix Nobel de l'idéologie», estime Alain Finkielkraut
Écouter cet article00:00/03:41Au micro d'Europe 1 ce dimanche, le philosophe et académicien a, entre autres, réagi au discours d'Annie Ernaux, prix Nobel de littérature.
Au micro d'Europe 1 ce dimanche, le philosophe et académicien a, entre autres, réagi au discours d'Annie Ernaux, prix Nobel de littérature.
Dès le début de l'entretien, le philosophe n'a pas mâché ses mots sur le prix décerné à Annie Ernaux. Selon lui, «le prix Nobel de littérature est devenu le prix Nobel de l'idéologie». La veille, la lauréate du prix a prononcé son discours de remerciements à Stockholm. À l'écoute de cette allocution, Alain Finkielkraut a été interpellé par une phrase : «J'écrirai pour venger ma race». Une phrase tirée par Ernaux de son propre journal intime, écrite à l'âge de 22 ans, et qui fait référence à son milieu d'origine modeste ainsi qu'à son sexe.
Un «leitmotiv» que le philosophe a qualifié «d'indécent» et «d'ignoble» puisque «rien n'est arrivé à sa race». Il a clairement contesté la légitimité de la récompense décernée à Annie Ernaux en dénonçant une trop grande place accordée dans ses écrits à une idéologie qui «divise le monde entre les dominants et les dominés».
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Annie Ernaux a ses fans, comme une commerçante ayant réussi à entretenir une clientèle qui lui est fidèle. Ouvrages qualité France, au point crochet. Honnête écrivaine, mais de seconde division. Les limites de sa littérature ne sont-elles pas celles de son imagination? On peut c'est vrai écrire à la première personne du singulier mais il faut un talent singulier pour s'affirmer durablement, au niveau de la littérature. Proust y parvient avec le style et une épopée sur la réminiscence. Mais l'embrassement littéraire que crée Rushdie a-t-il été une possibilité de choix pour Ernaux? Son canevas n'est-il pas à la fois névrotique, comme n'importe pour n'importe quel auteur de journal intime, mais lié aussi à la limite de son imaginaire, incapable de créer une fiction? Le matériel de base, et lié au sentiment de cette honte, lié à ce qui serait une destinée de transfuge sociale, me semble tirée par les cheveux, dans la société en fait très inclusive des années 60, où son destin d'étudiante méritante est loin d'être une exception...
De ce petit lait elle tirera donc le sentiment de trahison envers ses proches, la perte de communication, et un sentiment mitigé de vraie Normande ne sachant plus où se situer, fidèle en cela à l'esprit de sa province, et à l'ambivalence des boutiquiers. Le féminisme affiché et proclamé surprend par ses paradoxes. Peut-on à la fois défendre les femmes qui s'enkystent à leur voile en France et applaudir ensuite aux Iraniennes, qui avec courage, le jettent à la face des barbus?
Houellebecq, qui semble lui insupporter tellement, qu'elle en fait publiquement une annonce pleine de fiel sur la joie qu'elle a eu de lui chiper le prix, cacherait-il une jalousie à son égard en rapport à son imagination et son culot, d'esprit libre et frondeur, quand il se moque des clans, des écoles, des partis, comme le cancre de Prévert qu'elle n'a jamais été, elle l'élève brillante et voulant plaire aux maitres et à ses parents ? C'est un sujet de refoulement, qu'elle pourrait étudier dans une nouvel épisode de sa vie. Le titre est tout trouvé...
J'imaginais que l'esprit du concours de littérature allait vers l'universel, en partant d'une culture. Et que cela évoquait un combat, pour le respect, et l'émancipation. Certains diront qu'Ernaux défend ces grands principes. D'autres non, qu'elle ne fait que de parler d'elle même.
C''est pour cela que le Nobel destiné à Claude Simon, puis Patrick Modiano, m'ont apparu étranges, même si j'aime ces deux auteurs. Il y a actuellement des voix remarquables qui sont recalées chaque années : Carol Oates, Louise Aldrich, T.C Boyle, Richard Powells,, Annie Proulx, pour ne parler que des auteurs américains de la frontière sociale. Mais à part Toni Morrison, les Nobel semblent avoir certains pays en détestation. Pour la France, on n'a pas à se plaindre. Si on raisonne comme un supporter de foot. Quatre Nobel en 20 ans, qui dit mieux? Pour la qualité de la littérature Française, comme celle de son cinéma, qui accumule souvent lui aussi les prix, c'est une autre histoire !
Houellebecq, qui semble lui insupporter tellement, qu'elle en fait publiquement une annonce pleine de fiel sur la joie qu'elle a eu de lui chiper le prix, cacherait-il une jalousie à son égard en rapport à son imagination et son culot, d'esprit libre et frondeur, quand il se moque des clans, des écoles, des partis, comme le cancre de Prévert qu'elle n'a jamais été, elle l'élève brillante et voulant plaire aux maitres et à ses parents ? C'est un sujet de refoulement, qu'elle pourrait étudier dans une nouvel épisode de sa vie. Le titre est tout trouvé...
J'imaginais que l'esprit du concours de littérature allait vers l'universel, en partant d'une culture. Et que cela évoquait un combat, pour le respect, et l'émancipation. Certains diront qu'Ernaux défend ces grands principes. D'autres non, qu'elle ne fait que de parler d'elle même.
La démocratisation du collège, du lycée et de l'université, à partir des années 60, sera perçue par certains comme une menace. C'est dans ces années-là, où l'on construit à tour de bras des lycées, puis des facs, qu'Annie Ernaux fera son chemin. C'est une dynamique sociale qu'il ne faut pas oublier. Les écrits d'Ernaux sont suggestifs. Ils parlent de son expérience propre.
Aurait-elle eu des frères et sœurs, je pense que son point de vue ethnocentré aurait été bien réévalué, et autant son regard sur la société d’alors. À la lire, on se croirait à l’époque de Zola, avec une culture française non en dynamique, comme elle l'était alors, mais enkystée dans la tradition et les clivages, et un apartheid social n'ayant pas bougé depuis la troisième république.
Bien loin du ressenti des jazzmen noirs américains qui arrivant en France, étaient eux surpris d’être considérés à l’égal des blancs, et de pouvoir fréquenter n’importe quel espace public ou privé.
Non, Ernaux, qui ose évoquer "sa race en colère", de façon à mon avis un brin grotesque, même de façon métaphorique, n’a rien a voir avec ces gamines que la police américaine était obligée d’accompagner dans les années 60 jusqu’à la porte des lycées, pour ne pas qu’elles soient lynchées. Elle est simplement le résultat de la méritocratie Française d'après-guerre, et de ses différents plans Gaulliens, de modernisation du pays.
Ernaux peut sans doute avoir eu des difficultés de communication avec des bourgeois assez fats pour exprimer leur morgue, et avoir eu des expériences désagréables de rencontre, mais elle fait l’ellipse sur ses propres névroses, préférant les placer dans une tendance sociale.
D’autres intellectuels de valeur, qui ont fait un parcours d’excellence, à la même époque, comme Michel Winock dont les parents étaient simples ouvriers disait dernièrement sur Fance Culture qu’il n’avait jamais eu ce sentiment de honte, alors qu’il était à Science Po Paris.
Par contre, le philosophe Bruno Latour, arrivé alors à Paris de sa province, aura un sentiment de marginalisation, et de stigmatisation, en rapport à la culture de son pays d’origine, la Bourgogne. "Il n'est de bon bec qu'à Paris", disait Villon. Et Montesquieu se moquait déjà de l'esprit Parisien, tenant en mépris province, et reste du monde.
Mais Latour, issu de la famille prestigieuse propriétaire du vin « chateau-Latour », bourgogne d’exception, ne faisait pas parti, loin de là, par l'éducation, le rang et la culture, des damnés de la terre....Bien des jeunes gens doivent faire la rencontre de l’autre, dès qu’ils quittent leur village, et Bouddha, premier "transfuge" lui même, fut sidéré, quand ce fils de roi s’enfuit du château de ses parents, et s’aperçut de la pauvreté et de la misère du monde.
Pour les jeunes gens, prudence. Ernaux n'est qu'une romancière, pas une historienne. Elle parle avec décalage, souvent avec ses colères et son ressenti du jour, d'expériences passées, et d'un monde disparu, qu'elle explore par son vécu propre. Intéressant, sans doute, mais à relativiser avec d'autres ouvrages, y compris économiques, en n'oubliant jamais qu'on ne peut juger le monde d'hier avec les sentiments d'aujourd'hui, au risque de faire du révisionnisme.
Jamais il n'y eut ni avant, ni après, autant d'enfants d'ouvriers alors que dans les années 60 , dans les universités. Les années 60 restent le levain de ce que nous vivons actuellement. Tous les mouvements d'émancipation sont nés de ce creuset où deux générations avec des valeurs différentes, mais croyant toutes deux au progrès, se sont rencontrées, dans un monde très optimiste, où l'on estimait que demain sera encore mieux qu’aujourd’hui.
Les carcans religieux, sexuels, politiques, identitaires, sont alors interrogées comme jamais ils ne le furent. La honte est sans doute partout. Chez les enfants de colons, de bourgeois parfois. Ils voudront aller travailler en usine, comme Simone Veil, cette agrégée de littérature, le fit dans les années 30, donnant des cours gratuits aux ouvriers, avant d'aller se battre sur le front espagnol...... Ces transfuges sociaux furent nombreux, surfant sur l'esprit de la jeunesse, qui a toujours été de prendre des risques, comme Rimbaud le fit lui même, qu'il est bien difficile de récupérer, que ce soit au niveau d'une "race" quelconque, ( un qualificatif anodin et accepté à cette époque, et qu'il liait à la pesanteur atavique de la famille et du pays ) ou de la complicité d'écrivain, qu'il a renié, à 18 ans.... " La main à plume vaut la main à charrue. quel siècle à mains ! ....
une manne pour les auteurs et les éditeurs
Le prix Nobel de littérature, remis à Annie Ernaux ce samedi 10 décembre, est une manne hors du commun pour les auteurs et les éditeurs comme Gallimard, qui en profite largement en France. Cette récompense de prestige, tout d'abord, rapporte un chèque de 10 millions de couronnes suédoises, soit plus de 900 000 euros actuellement, en plus d'une médaille d'or 18 carats. Nombre de lauréats reversent une partie de cette somme pour des causes qui leur tiennent à cœur et Annie Ernaux a déjà dit publiquement réfléchir à celles qu'elle soutiendrait une fois cet argent reçu.
Quand l'annonce du prix est tombée début octobre, son principal éditeur, Gallimard, a sabré le champagne, géré les sollicitations de journalistes de nombreux pays, puis s'est tout de suite mis en action. Cet éditeur connaît l'effet du Nobel: il est aussi celui de Patrick Modiano, récompensé en 2014, ou de J.M.G. Le Clézio, qui l'avait obtenu en 2008. Pour Annie Ernaux, "nous avons réimprimé 1,1 million d'exemplaires", explique le directeur commercial de Gallimard, Jean-Charles Grunstein.
Romans en poche
Les plus grands succès sont les romans en poche chez Folio, qui représentent quatre exemplaires sur cinq vendus. Le recueil de ses œuvres d'un millier de pages en collection Quarto, paru en 2011 et intitulé "Écrire la vie", marche très bien aussi. Et certains lecteurs tiennent au format élégant de la collection Blanche, plus cher et offrant une meilleure marge à l'éditeur. Tous ces livres sont ornés du bandeau rouge "Prix Nobel de littérature 2022", au cas où, en librairie, des clients auraient manqué la nouvelle.
"Il y a un effet immédiat sur les ventes. On a expédié à ce jour 750 000 exemplaires vers les points de vente, dont on a vendu un peu plus de la moitié, si on se fie aux chiffres (du cabinet) GfK pour la France. Si on ajoute l'export, on peut estimer qu'on en a vendu environ 65%"
Jean-Charles Grunstein, directeur commercial à Gallimardà l'AFP
L'autre manne, ce sont les traductions. Annie Ernaux était déjà publiée en 42 langues avant d'être couronnée du prix. Elle devait notamment sa notoriété mondiale à une place de finaliste du Booker Prize en 2019 pour "The Years", traduction anglaise de son roman de 2008, "Les Années".
Traductions
"Un prix Nobel, c'est l'assurance de voir affluer les demandes de traduction. C'est ce qui s'est passé encore une fois", indique-t-on chez Gallimard. Trois nouvelles langues se sont ajoutées depuis et cinq autres sont en négociation, ce qui pourrait porter le total à 50.
Le prix devrait aussi aider à faire la promotion du long métrage qui sort en salles le 14 décembre, Les Années Super 8, constitué de films familiaux des années 1970 et 1980. Enfin, Annie Ernaux compte publier un jour un petit livre que beaucoup d'écrivains rêveraient d'écrire, même si les tirages ne sont pas toujours les plus élevés: son discours de réception du prix Nobel.
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