MARTINIQUE


Des plaisanciers en escale en Martinique, au mouillage devant Sainte-Anne, se trouvent confrontés depuis quelques semaines à la défiance de la municipalité. Cette tension entre îliens et marins qui s’est exacerbée après les confinements dûs au Covid-19 rappelle celle qui s’est déjà manifestée en Polynésie Française.


Idyllique. Le mouillage de Sainte-Anne, qui s’étend de la pointe Marin jusqu’à l’anse Caritan offre un très bon abri sur fond de sable, et un décor de rêve, devant le rocher du diamant.

En témoigne ce message de Véronique, plaisancière, souhaitant nous faire part « des problèmes que rencontrent actuellement les plaisanciers en Martinique et plus particulièrement à Sainte-Anne, petite commune de bord de mer avec une rade magnifique, où beaucoup de plaisanciers français et étrangers mouillent, régulièrement ou seulement pour une escale (retour des Grenadines, transat…). Cet endroit est idéal, avec une profondeur de 3 à 5 mètres sur toute la rade. Depuis quelques temps, et surtout depuis le confinement dû à la Covid, des tensions avec la municipalité s’installent, liées essentiellement d’après la municipalité aux problèmes de poubelles… En effet, l’afflux de bateaux engendre un afflux de sacs poubelles et curieusement, de moins en moins de bacs sont à disposition… »

L’objet de la discorde. Le fameux ponton, devant le village de Sainte-Anne, où les plaisanciers amarrent leur annexe. Les points rouges signalent tous les anneaux ou bittes qui ont été sciés par la municipalité. | DR

Un mouillage très fréquenté

Le mouillage devant le village de Sainte-Anne, très bien placé au Sud de la Martinique, à l’entrée du Cul-de-Sac marin, serait-il victime de son succès ? En saison, on y compte fréquemment 300 à 400 navires à l’ancre. Un vrai village sur l’eau, qui s’est organisé en une communauté solidaire, au fil des confinements. De quoi faire le bonheur des commerçants locaux, mais aussi de créer des crispations auprès des habitants qui ne voient pas d’un très bon œil ces nomades des mers vivant en quasi autonomie.

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Surpeuplé ? Très fréquenté en saison, entre novembre et mai, cette baie du Sud de la Martinique peut compter jusqu’à 400 bateaux au mouillage, parfois plus. | DR

Ainsi, Isabelle et Jérôme, qui vivent à l’année sur leur voilier Nomad, ont vu la situation se dégrader : « Le mouillage de Sainte-Anne est immense et fréquenté par toutes sortes de voiliers : charters de passage, voiliers étrangers navigant au long cours, voiliers locaux avec familles et enfants. La commune est belle et paisible, hormis les vols d’annexes réguliers. Nous posons l’ancre dans du sable, sur l’immense plateau et la vie est tranquille durant quelques années. […] Jusqu’au Covid à vrai dire. Le confinement des gens de bateau et de leurs embarcations exacerbe les tendances de rejet et le ressentiment présent. Voilà revenir les sempiternelles reproches…

- Il y a trop de bateaux.

- C’est laid.

- Les voiliers polluent car les gens de bateau font caca dans la mer.

- Ces gens-là sont riches et ne paient pas d’impôts.

- Ou alors, ils sont pauvres et vivent au crochet de la société comme des parasites.

- Ils détruisent les fonds marins.

- Ils jettent leurs ordures ménagères sans participer financièrement à la commune. »

Chaînes et anneaux d’amarrage sciés !

« Sur la zone de mouillage de Sainte-Anne existe une belle solidarité entre les bateaux, une entraide réelle et une organisation conviviale pour ceux qui y vivent à l’année », poursuit Isabelle. « Au vu du nombre d’annexes, nous avions installé une chaîne qui courrait le long du ponton afin de faciliter et multiplier les possibilités de cadenasser et sécuriser nos petites embarcations. À la surprise des plaisanciers, la Mairie de Sainte-Anne, après avoir donné son accord pour cette installation de chaîne sur le ponton de la place de l’église, a décidé de manière unilatérale, d’enlever cette chaîne ».

Sécuriser. Avec l’accord de la municipalité, les plaisanciers avaient fait courir une chaîne le long du ponton, pour pouvoir cadenasser leurs annexes, très convoitées par les voleurs. chaîne qui a été supprimée. | DR

Un fait que Véronique confirme : « Fin octobre, monsieur Gémieux, maire de Sainte-Anne, a fait enlever les chaînes fixées à l’unique ponton, qui permettaient aux plaisanciers d’amarrer leurs annexes, pour les sécuriser ». Mais ce n’est pas tout : « Début novembre, comme cela ne semblait pas suffire, M. Gémieux a fait scier les anneaux en inox et une grande partie des bittes d’amarrage – sur un ponton appartenant à la CTM (Collectivité territoriale de Martinique, ndlr), financé avec l’aide de fonds européens… Cette fois, pour les plaisanciers, pas d’autre choix que de s’amarrer aux échelles restantes ! »

Surcharge. Sans chaîne, ni anneaux, l’amarrage des annexes se fait désormais en toute anarchie, et fragilise les rares échelles du ponton. | DR

Loin d’être faites en catimini, ces actions ont été menées en plein jour, sous les yeux des plaisanciers, ainsi que le racontent Isabelle et Jérôme, du voilier Nomad :

« Le jeudi 3 novembre 2022, sans plus d’explications, les employés municipaux ont hélas aussi cisaillé les anneaux d’amarrage du ponton. Ensuite, ils ont commencé à retirer les bittes d’amarrage devant les plaisanciers horrifiés… Des familles avec bébés et jeunes enfants, des personnes âgées vivent à l’année sur ce mouillage. On leur a enlevé ainsi toute possibilité de descendre à terre en sécurisant leur annexe. Connaissant le nombre de vols d’annexes ou de moteurs commis en Martinique chaque année, cette dégradation du ponton public par la Mairie nous scandalise tous. J’espère que tout cela n’est qu’une maladresse relevant plus de l’impulsivité que d’une réelle réflexion, sans quoi M. le Maire a déclaré la guerre aux voiliers et à leurs indésirables occupants. »

Poubelles pleines. Le nombre de bacs disponibles est très insuffisant, et il n’y a qu’un seul bac jaune pour le tri sélectif. Rien n’est prévu pour le verre. | DR

Un projet de mouillage organisé

Depuis, les plaisanciers de Sainte-Anne ont essayé d’obtenir des explications :

« Après plusieurs demandes infructueuses auprès de la mairie pour en connaître le but, nous avons fait appel au Directeur de la mer et au Préfet de Martinique », explique Véronique Letessier. « Nous avons obtenu une réunion avec le DM, le sous-préfet et le maire, début décembre. »

« Un plan de ZMO (zone de mouillage organisé) est en étude tout autour de la Martinique, déjà en cours au Marin, et en attendant ils vont essayer d’aménager les accès à Ste Anne… Mais M. Gémieux refuse de réparer le ponton endommagé ! Ouvertement devant les instances présentes ! Nous sommes dépités et nous cherchons par tous les moyens des aides. Nous sommes en train de relancer l’association les plaisanciers de Martinique (ALPM) pour nous faire entendre.

Merci de bien vouloir vous intéresser à nous, et à tous les plaisanciers français et étrangers confrontés à cette petite guerre de territoire. »

La communauté de plaisanciers a également lancé une pétition en ligne.

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