ERNEST RENAN
Ernest Renan, l’illustre enfant de Tréguier, a marqué son siècle
Un esprit libre, géant du XIXe siècle.
Les origines trégorroises d'un élève extrêmement brillant
Le 27 février 1823 à Tréguier dans les Côtes-d’Armor, Ernest Renan voit le jour dans une famille désargentée. Son père, marin et républicain convaincu, a épousé la fille de commerçants royalistes installés à Lannion, la ville voisine. Dès son plus jeune âge, Ernest Renan est bercé par les opinions politiques et religieuses respectives de ses parents. Il a à peine cinq ans quand son père meurt noyé en mer au large d’Erquy. C’est sa sœur Henriette, son aînée de 12 ans, qui devient alors le chef moral de la famille.
Esprit libre, élève boursier à l’école des Frères de Lannion puis au petit séminaire de Tréguier, Ernest Renan impressionne ses professeurs. Ces derniers remarquent très tôt ses capacités intellectuelles et voient en lui un futur homme d’Église. En 1838, âgé de 15 ans, il termine son collège auréolé de nombreux prix d’excellence. Henriette, devenue institutrice à Paris, lui propose de la rejoindre.
Le voilà inscrit en seconde au séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet. Plus que la philosophie et la théologie, c’est la philologie (étude historique d’une langue par l’analyse critique des textes) qui intéresse Ernest Renan. Il se passionne pour les langues anciennes et, en plus du grec et du latin, apprend l’hébreu et le syriaque. L’étude des textes anciens ébranle la foi d’Ernest Renan, qui commence à émettre des doutes sur la Bible en tant que livre révélé. Cela ne l’empêche pas de recevoir la tonsure le 23 décembre 1843. Mais cinq ans plus tard, il renonce définitivement à sa carrière ecclésiastique et préfère devenir enseignant, avant d’être nommé chargé de mission en Italie pour y étudier des manuscrits grecs et orientaux.
Pensée et œuvre d'un "saint laïc" de la IIIe République
A la fois écrivain, philosophe, historien et philologue, il est notamment l'auteur d'ouvrages qui examinent les évangiles à la lumière d'une critique scientifique qui scandalise le clergé et la droite catholique royaliste. Savant respecté dans toute l'Europe, Renan reçoit tous les honneurs : il est membre de l'Académie des inscriptions et belles lettres, professeur au Collège de France, académicien et officier de la Légion d'honneur.
Philologue particulièrement versé dans les langues sémitiques, après avoir abandonné l’état ecclésiastique, il est deux fois lauréat de l'Institut ; professeur d'hébreu au Collège de France en 1862, il fait paraître en 1863 Vie de Jésus, son œuvre capitale, qui soulève d'extraordinaires polémiques. De nombreuses attaques ou défenses de cette œuvre paraissent en France et à l'étranger ; le pape l'appelle le "blasphémateur européen", des manifestations hostiles se produisent au Collège de France, amenant la suspension de son cours. Le gouvernement impérial lui offre comme compensation l'administration de la Bibliothèque nationale qu'il refuse. Après les changements de régime faisant suite à la guerre de 1870, Ernest Renan est réintégré dans sa chaire et élu administrateur du Collège de France en 1883 où il est réélu tous les trois ans. Membre de l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres depuis 1856, il est également élu à l'Académie française le 13 juin 1878 en remplacement de Claude Bernard.
Parmi les autres œuvres souvent citées, sa célèbre Prière sur l'Acropole constitue en fait le chapitre II de ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse publiés en 1883. Ernest Renan y évoque la découverte qu'il fit de la Grèce lors d'un voyage en 1865. Prière sur l'Acropole remporte un vif succès et fait l'objet, en 1899, d'une somptueuse publication illustrée par des compositions de H. Bellery-Desfontaines et tirée à 400 exemplaires pour l'Exposition Universelle de 1900. Le court texte est rééditée à Paris en 1920 par la librairie F. Ferroud. Les illustrations de Serge de Solomko constituent l'une des merveilles de l'édition française de cette époque.
Illustration de Serge Solomko pour Prière sur l'Acropole, d'Ernest Renan © Coll. Archives Larbor-DR
La statue du savant sculptée par Jean Boucher, érigée en 1903 place du Martray à Tréguier, s'inspire de ce texte en le présentant en position assise, dominé par la statue d’Athéna, symbolisant la libre Pensée.
Attachement aux racines bretonnes
Ernest Renan quitte la Bretagne et son Trégor natal à l'age de 15 ans. Après la fin de ses études à Paris, il a l'opportunité de parcourir d'Europe et de découvrir notamment l'Italie, la Grèce et la Suède. Il ne revient régulièrement en Bretagne qu'à partir du milieu des années 1880. Parlant couramment breton, il n'oublie pas ses racines et publie dès 1854 L’Âme bretonne. Ernest Renan, qui désire renouer avec ses origines depuis son retour dans sa ville natale de Tréguier en 1868 à l’occasion de l’inhumation de sa mère, accepte, incité par Narcisse Quellien, de compter parmi les membres fondateurs de la Société celtique et des dîners qui lui sont associés. La Société celtique s’ouvre aux Bretons de France et d’outre-Manche comme aux simples amis des études celtiques. Dans les faits, les premiers Dîners celtiques organisés mensuellement à Paris regroupent surtout des Bretons et des philologues celtisants. C’est sous sa présidence qu’a lieu le premier Dîner celtique en 1878-1879 au café d’Alençon en face de la gare Montparnasse. En 1880 il en devient président d'honneur à vie.
De 1885 à 1892, Ernest Renan revient passer ses étés en Bretagne à Rosmapamon, une belle demeure qu’il louait à Louannec, près de Perros-Guirec.
La demeure estivale de Rosmapamon et la maison familiale de Tréguier : deux maisons des illustres
La demeure de Rosmapamon est construite en 1840 au 21 route de Perros à Louannec. Ernest Renan la loue et y séjourne avec sa famille et ses hôtes de passage tous les étés pendant huit ans, de 1885 et jusqu'au 18 septembre 1892. Le label "Maisons des Illustres" a été attribué au manoir en 2018. L'accès au parc est occasionnellement ouvert au public notamment lors des Rendez-vous aux jardins, manifestation nationale organisée chaque année début juin.
La maison bourgeoise de notables du 20 rue Ernest Renan à Tréguier abrite aujourd'hui le musée Ernest Renan géré par le Centre des monuments nationaux (CMN). Construite à la fin du XVIe siècle, cette maison typique de l'architecture du Trégor est acquise en 1780 par les grands-parents du savant. Ernest Renan la quitte pour toujours à l'âge de 15 ans. Elle devient musée en 1947. En 1992, lors des cérémonies du centenaire de l'auteur, la façade sur rue reçoit un décor de bois sculpté. La façade sur jardin a conservé son appareil de pierre.
Maison Ernest Renan de Tréguier Coté jardin
Commémorations du 28 février
Le Comité Renan annonce deux temps forts : le 28 février, une délégation importante visitera la maison de l’écrivain. L’après-midi sera dédiée à une conférence organisée en salle d'honneur de l'hôtel de ville de Tréguier animée par François Hartog, historien et professeur d’Université, à 14 h 30, ouverte au public et gratuite.
Un colloque international dédié à Ernest Renan se tiendra les 30 juin et 1er juillet 2023 au Théâtre de l’Arche où quinze universitaires, sélectionnés par le Comité Renan, interviendront sur le thème « Renan, entre Terre et Mer ». En marge de ce colloque, Paul Barge, acteur trégorrois, fera une lecture de textes (le vendredi à 18 h 30) et la Cheap Cie, en la personne d’Anne Huonnic, théâtralisera la vie de Renan, entre sa mère et sa sœur ; une pièce inédite, pure création écrite par une enfant du pays.
Afin de rendre hommage à l’écrivain trégorrois, à l’occasion du bicentenaire de sa naissance, treize élèves en graphisme du lycée Savina de Tréguier, mettent à l’honneur quatre de ses œuvres théâtrales en partenariat avec le Centre des monuments nationaux et réalisent des affiches en mobilisant plusieurs techniques de gravure. Leurs travaux présentés une année durant dans la maison de famille du savant sont à découvrir à compter du mois de juin 2023.
Ernest Renan est né le 28 février 1823, à Tréguier (dans les Côtes-d’Armor aujourd’hui). Intellectuel brillant, il a marqué le XIXe siècle de son empreinte. Retour sur un parcours hors du commun.
Ernest Renan naît le 28 février 1823 au sein d’une grande maison d’armateurs, dans le centre de Tréguier. Depuis le dernier étage on aperçoit le port. Mais, derrière ces hauts murs, se cache une situation dramatique. La famille est criblée de dettes. Son père, capitaine au long cours, n’en finit pas d’emprunter pour assouvir ses rêves, tandis qu’il plonge dans l’alcool. Il disparaît le 11 juin 1828.
Son corps est retrouvé sur le rivage d’Erquy, le 1er juillet. Ernest a cinq ans. Sa sœur aînée, Henriette, et sa mère mettent un point d’honneur à éponger les dettes. Certaines parties de la maison sont louées. À Tréguier, Ernest Renan passe une enfance heureuse malgré tout, dans sa chambre, la « mansarde », nichée sous les toits. Il la relatera dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse. La maison, léguée par les descendants de Renan à l’État, est aujourd’hui devenue un musée, qui lui est dédié.
Le séminaire avant le doute
Le jeune Ernest suit une voie toute tracée, qui doit le mener à la prêtrise. Brillant élève, il se fait remarquer en remportant tous les prix d’excellence. Par l’entremise d’Henriette, il quitte Tréguier pour Paris. Il avait obtenu une bourse, qui devait lui permettre de financer ses études religieuses de ses 15 ans à ses 25 ans, avant qu’il devienne prêtre
, explique Aude Isebe, agent d’accueil au musée Renan. Il entre au séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet, puis il poursuit à Issy-les-Moulineaux et Saint-Sulpice.
La découverte de la philosophie est pour lui une véritable révélation : il renonce à la vie religieuse. Il a 23 ans et n’a pas de diplôme.
Il fait une entrée fracassante dans le monde universitaire. Il obtient deux bacs en un an, il enchaîne jusqu’au concours de l’agrégation de philosophie, où il est reçu premier en 1847.
Cette même année, il obtient le prix Volney, une des principales récompenses décernées par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, pour le manuscrit de son Histoire générale des langues sémitiques.
Vie de Jésus : le scandale
L’intellectuel, qui n’a cessé de travailler sur la religion, entreprend une biographie de Jésus, premier tome de l’Histoire des origines du christianisme. Le livre sort en 1863, et fait scandale, tout comme avait fait scandale sa leçon inaugurale à son entrée au Collège de France, un an plus tôt. Renan y évoque Jésus comme un « homme incomparable ».
Il devient le « blasphémateur européen », selon les propos du pape Pie IX. Il perd son poste, mais gagne une renommée internationale et surtout, une indépendance financière. Son livre est un véritable best-seller, de multiples fois réédité. Selon les recherches effectuées par l’universitaire Jean Balcou, auteur d’Ernest Renan, une biographie, «
146 000 volumes auraient paru en France en dix-huit mois ». Renan retrouvera sa chaire de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque en 1870.
La Nation selon Renan
Auteur prolifique, Ernest Renan a laissé un autre texte, qui reste sans doute le plus connu aujourd’hui : Qu’est-ce qu’une nation ? est pour lui sa profession de foi, ce qui touche les choses humaines ».
Les mots de cette conférence sont prononcés à la Sorbonne en 1882. Pour Renan, ce qui fait une nation, ce sont deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une […]. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble […] ».
Le retour aux sources
Sur la fin de sa vie, à partir de 1885, Ernest Renan revient régulièrement dans le Trégor. Il réside non pas à Tréguier, mais à la villa Rosmapamon, à Louannec. C’est là qu’il écrit ses dernières œuvres. Devenu administrateur du Collège de France, il quitte le Trégor une dernière fois le 18 septembre 1892, pour mourir « chez lui » au Collège de France. Il s’éteint le 2 octobre 1892, entouré de ses proches.
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