Martinique : le coût de la vie dépasse “les limites de l’acceptable”
Alors que le couvre-feu imposé à la Martinique a été prolongé jusqu’au 28 octobre, ‘‘La Presse’’ décrit le conflit violent qui a éclaté il y a près d’un mois et mené à cette mesure d’exception. Le quotidien canadien se penche sur les causes de la colère qui ont poussé les insulaires dans la rue.
“Cent quarante interpellations, quatre cents voitures carbonisées, des dizaines de barricades, quatre-vingt-dix-huit blessés, quatre morts… Malgré ses paysages paradisiaques, la Martinique vit une sorte d’enfer”, relate La Presse sur place. “Avant, ma facture d’épicerie me coûtait 70 euros, maintenant c’est au moins 150 euros”, peste Michèle Cidalise-Montaise, une retraitée.
La vie a toujours coûté plus cher sur l’île, qui importe 80 % de ses produits. Mais, tranche le reporter du quotidien québécois, Jean-Christophe Laurence, “on dépasse cette fois les limites de l’acceptable”. Il rappelle que 27 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté. “C’est la première fois que les Martiniquais n’arrivent pas à se nourrir. Il y a des gens qui se privent de repas, c’est une situation assez désastreuse”, déplore encore l’ancienne enseignante interrogée par La Presse.
“Blessures de l’époque coloniale”
La crise actuelle va au-delà du coût de la vie, poursuit le journaliste, car elle réveille des “blessures de l’époque coloniale”. Le mouvement de protestation, “constitué de descendants d’esclaves”, dénonce la mainmise des descendants des anciens propriétaires d’esclaves, les békés, “qui contrôlent une grande partie de l’import-export, l’essentiel de l’agroalimentaire et de la grande distribution, environ 45 % des richesses. Or, ces quelques familles ne représentent que 1 % de la population”.
Les habitants de l’île s’étaient déjà mobilisés bruyamment contre la métropole il y a quinze ans pour réclamer des hausses de salaire. Cette fois, c’est différent, note le quotidien qui compare le mouvement à celui des “gilets jaunes” en raison de sa spontanéité et de son usage des réseaux sociaux. “Les manifestations de 2009 étaient fortement liées au monde syndical, celles de 2024 sont organisées par de jeunes quadragénaires sans affiliation politique ou syndicale, qui ont décidé de prendre le taureau par les cornes devant l’inaction du gouvernement.”
L’auteur martiniquais Raphaël Confiant évoque un problème plus politique qu’économique : “Un territoire situé en Amérique […] peut-il continuer à dépendre d’un pays, à savoir la France, situé en Europe et à 7 500 kilomètres de lui ?” La professeure d’origine martiniquaise du département d’études noires de l’université américaine Northwestern (Illinois), Silyane Larcher, estime qu’“il faut trouver des moyens juridiques pour affaiblir cette position monopolistique afin d’apporter une réponse adéquate au fond du problème, qui est la transformation de cette économie de comptoir [commercial]”.
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