En ce jour
où l’on nous parle de 7 nouvelles exo
planètes voici une jolie histoire…
« Sur son île, tout le monde le
surnommait Bébé-pirate. Il n’aimait pas beaucoup ça, surtout qu’il n’était plus
un bébé depuis longtemps, mais comme il était né le dernier, ses cousins
grandissaient en même temps que lui, il restait toujours le plus petit.
Bébé-pirate
habitait sur une petite île, une toute petite île, tellement petite que dès
qu’il marchait au bord de la mer pour partir de leur cabane et faire le tour de
l’île, au bout de quelques
minutes de promenade, au lieu de s’éloigner, il commençait déjà à se rapprocher
de chez eux.
Pourtant,
Bébé-pirate ne s’ennuyait pas. Avec ses cousins, ils grimpaient dans les
palmiers pour attraper des noix de coco, sauf que lui, Bébé-pirate, n’avait pas
le droit de monter jusqu’aux plus hautes branches.
— Quand
tu seras grand, disait sa maman.
Avec ses cousins, il jouait aussi à
cache-cache, même si c’était difficile de trouver de nouvelles cachettes sur
une île aussi minuscule. Alors, ils s’enterraient dans des trous dans le sable,
des terriers de lapin ou des grottes au bord de l’eau, sauf Bébé-pirate, qui
n’avait jamais le droit de s’enfoncer en entier.
— Quand
tu seras grand, disait sa maman.
Alors
souvent, Bébé-pirate s’amusait avec la seule personne de son âge. Lily. Comme
lui, elle habitait une cabane construite sur des poteaux au-dessus de la mer,
une cabane qui touchait la sienne, et ainsi, depuis qu’ils étaient nés, leurs
deux lits étaient posés contre le même mur de bambou séparant leurs deux
maisons ; Lily était si jolie que Bébé-pirate n’avait qu’un seul
désir : se marier avec elle.
— Quand
tu seras grand, disait sa maman.
Une
fois par an, à Noël, une fois par an seulement, la petite taille de Bébé-pirate
lui était utile.
Ce
jour-là, il montait sur les épaules de son papa (il était le seul pirate de
l’île que son papa pouvait encore porter sur ses épaules), et avait pour
travail d’accrocher la grande étoile en haut de l’arbre décoré de boules et de
guirlandes.
— Jusqu’à
ce que tu sois grand, prévenait sa maman.
Un
jour, Bébé-pirate en eut assez d’attendre d’être grand, de tourner en rond sur
son île. Alors, il prit le grand bateau qui était amarré sur la plage et
partit. Tout seul.
Il
s’était à peine éloigné depuis dix secondes qu’il fit une découverte
extraordinaire.
Sa
petite île ronde n’était pas une île, mais une planète !
Son vaisseau pirate n’était pas un bateau,
mais une fusée !
La
mer tout autour de son île n’était pas la mer, mais le ciel !
Tant
mieux, se dit Bébé-pirate. Une fusée avance beaucoup plus vite qu’un bateau à
voile. Une fusée va à la vitesse de la lumière. Alors, il voyagea des
années-lumière.
Il
y avait à bord de la fusée un petit GPS dans lequel la direction de toutes les
planètes était indiquée, même celle de la plus petite planète de la galaxie la
plus éloignée. Bébé-pirate n’avait plus qu’à suivre les indications.
« Après le troisième satellite,
prenez à droite en direction de la Voie lactée. Tenez la gauche pendant trois
années-lumière. »
« Avant le trou noir, faites
immédiatement demi-tour. »
« Votre itinéraire comporte des pluies
de météorites. Souhaitez-vous continuer ? Oui-Non. »
Le
GPS indiquait aussi les soleils de chaque galaxie, et il suffisait de passer
assez près de l’un d’eux, à peine quelques secondes-lumière, pour que la fusée
fasse le plein d’énergie solaire. Le GPS était même équipé d’un système de
limitation de vitesse, sauf que c’était idiot, puisque personne ne peut
dépasser la vitesse de la lumière.
Bébé-pirate
voyagea pendant vingt années-lumière. Assez, se dit-il, pour ne plus être un
bébé. Puis il retourna sur sa planète.
Quand
il mit un pied par terre, tous ses cousins, sa maman, son papa, Lily coururent
se jeter dans ses bras.
t Lily était devenue la plus jolie des
princesses. Ils avaient tous vingt ans de plus que quand il les avait quittés.
Il se rappelait les mots de sa maman, il y a si longtemps. « Quand tu
seras grand ».
C’était
maintenant !
C’est
du moins ce que Bébé-pirate croyait…
Car
il ne s’en était pas encore aperçu, mais il avait oublié un détail, un détail
bête comme chou mais qui changeait tout : quand on voyage à la vitesse de
la lumière, on se déplace aussi vite que le temps et on ne vieillit pas !
Bébé-pirate
avait passé vingt ans dans sa fusée mais n’avait pas vieilli d’un seul jour.
Tout
le monde avait grandi sauf lui !
C’était
même pire qu’avant, car plus aucun de ses cousins ne voulait grimper dans les
palmiers avec lui, ils étaient devenus sérieux et forts, et se contentaient de
faire tomber les noix de coco en secouant le tronc ; il était le seul à
pouvoir encore se glisser dans les terriers de lapin et les grottes, mais plus
personne ne voulait jouer à cache-cache avec lui ; quand arriva Noël, son
père lui expliqua qu’il était trop vieux et fatigué pour le porter sur ses
épaules et accrocher la grande étoile en haut de l’arbre ; quant à Lily,
jamais une aussi jolie princesse n’aurait pu se marier avec un Bébé-pirate qui
avait vingt ans de moins qu’elle !
Bébé-pirate
était devenu le pirate le plus triste de la galaxie. Il avait beau tourner le
problème dans tous les sens, il ne trouvait pas de solution. Il n’y en avait
aucune ! Il se sentait seul, le pirate le plus seul de la galaxie. Et
pourtant, même
si cela peut sembler incroyable, il allait
bientôt se retrouver plus seul encore.
Un
matin, il se réveilla, et tout le monde était parti ! Tout le monde, ses
cousins, ses parents, Lily, tous étaient montés à bord de la fusée et s’étaient
envolés.
Sans
lui. Ils l’avaient abandonné !
Alors
Bébé-pirate pleura. Il ne comprenait pas. Il pleura ainsi pendant trois jours
et trois nuits dans une grotte, avant de monter dans le plus grand palmier de
l’île, puisqu’il n’y avait plus personne pour lui interdire de le faire.
Et
là, tout en haut, il vit qu’on avait tracé des mots immenses dans le sable, il
reconnut même l’écriture de sa maman. Elle avait écrit :
« Attends-nous ».
Alors,
Bébé-pirate attendit. Il fut très courageux, très patient, très sage, et il
resta des milliers de jours tout seul sur son île loin de ses parents, de ses
amis et de sa fiancée.
Il
avait fini par comprendre.
Et
un matin, très exactement vingt ans plus tard, la fusée revint et se posa.
Lily
descendit la première. Elle n’avait pas vieilli d’un jour alors que pendant
tout ce temps, seul sur son île, Bébé-pirate était devenu un pirate aussi grand
et fort que tous ses cousins qui sortaient de la fusée.
Lily
et lui avaient exactement le même âge et ils se marièrent le lendemain.
— Maintenant
que vous êtes grands, avait admis maman.
Et quand arriva Noël, Bébé-pirate, que
plus personne n’appelait comme ça maintenant, se baissa, puis souleva son vieux
papa et le posa sur ses épaules, afin qu’il puisse accrocher la grande étoile
tout en haut de l’arbre aux guirlandes.
Alors,
son papa se pencha contre son oreille et lui murmura ces mots :
« C’est difficile à comprendre quand on est petit, mais écoute bien.
Quelqu’un que l’on aime, que l’on aime vraiment, il faut parfois oser le
laisser partir loin. Ou savoir l’attendre longtemps. C’est une vraie preuve
d’amour, la seule, peut-être. »
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