IL Y A 10 MOIS...








Jean n'a toujours pas été retrouvé, administrativement il n'est QUE "disparu"...
Au chagrin et au vide émotionnel, à l'absence et au chagrin, s'ajoute le fait que je ne réussis pas à me projeter dans l'avenir, pour l'instant seules les émissions cochées sur mon programme télé sont ma projection dans le temps à court terme...
Je suis soignée pour une dépression sévère, et je fais encore des cauchemars.
Cela va faire bientôt 10 mois...
Jean a disparu lors d'une plongée en apnée, avec palmes, masque et tuba, lors d'une escale aux Grenadines l'été dernier avec des amis, à l'île de White  Island
au sud de Carriacou. 
Après avoir passé deux semaines à faire des recherches et engagé des plongeurs à bouteille sur le site de sa disparition, j'ai finalement remonté notre Afrodite sur la Martinique  en  24 heures le 25 septembre, profitant d'un créneau météo favorable, juste après le passage de Dorian et Karen, pour me présenter le lendemain à la gendarmerie du Marin avec les papiers fournis par le consulat de Grenade, l'Ambassade de France à Sainte-Lucie et les Coast Guards de Carriacou. J'ai donc déclaré les faits survenus comme l'exigent en France  le droit et la loi, puis j'ai fait une requête officielle en LR avec AR au TGI de Fort-de-France pour " déclaration d'absence et/ou de décès "...
Je n'ai actuellement aucun document administratif : lorsque le procureur, ou son substitut, voudra bien s'occuper de ma requête - la crise sanitaire avec le confinement n'a pas accéléré ma démarche - je serai convoquée pour une audition au tribunal de Grande Instance de FdF, ainsi que les amis qui nous accompagnaient et quelques autres témoins, afin d'avancer administrativement, mais d'après ce que j'en sais, cela peut durer un certain temps (jusqu'à 7 voire 10 ans) , avec une possible remontée au Ministère des Affaires Étrangères !
Émotionnellement et psychologiquement c'est compliqué.
Jean n'aura pas de sépulture, car je doute qu'on le retrouve un jour, il est présent partout à bord, près de moi, je le sais, je lui parle, il me protège.

Des amis se sont révélés très chers pour me soutenir, arrivant de métropole dès le 10 octobre à mon bord, se déroutant sur la Martinique et modifiant leur programme de navigation pour être près de moi.
Grâce à eux j'ai repris "vie" et peu à peu rebondi, après leur départ le 15 janvier, j'ai repris courage et confiance, m'inscrivant à un club de gym et de Pilates à la marina du Marin, découvert par des séances de reiki un peu de réconfort, mais c'est surtout au quotidien qu'il m'a fallu apprendre à gérer notre grand catamaran, car si j'ai toujours été une bonne équipière et su participer aux  manoeuvres de navigation depuis des décennies, il en est tout autrement pour une vie en solo à bord, gérer les différents paramètres tels que l'électricité (fournie par des panneaux solaires), l'eau (fournie par un dessalinisateur), et surtout les moteurs et le groupe électrogène (là en ce moment il n'y en a qu'un qui fonctionne, j'ai trouvé un très bon mécanicien). 
Le confinement m'a pris par surprise comme tout le monde, sauf que je ne suis plus allée à terre pendant 9 semaines, déjà que le maniement du canote hors-bord est une nouvelle expérience ( savoir le faire démarrer, remplir la nourrice d'essence avec un additif d'huile à 2%), et ça été de nouveau la grande solitude alors que j'avais repris une certaine vie sociale en février.
Côté occupations me restent la lecture, la télé,  le téléphone, du scrabble en ligne, la natation depuis le bateau, la poursuite de la gym en solo, la musique, France Inter...
En juin je suis allée revoir ma docteure, qui a noté une petite perte de poids et une assez faible tension à 10/4.

J'en écris des tonnes vous voyez, je suis également active sur Facebook, mes blogs.
De belles amitiés se sont créées ou se sont renforcées, l'entraide a bien joué et se poursuit.
Comme l'été ici a lieu la saison cyclonique, j'ai fait renforcer mon ancrage par des professionnels et la pose d'un corps-mort solide. J'ai aussi accru mon assurance bateau."Normalement" chaque été nous allions aux îles du Venezuela passer de belles vacances à l'abri des désordres météo, mais cette année, d'une part je ne vais pas partir seule, d'autre part les ouvertures des frontières sont compliquées par les mesures sanitaires avec le plus souvent l'obligation d'un test séronégatif exigé.

Je suis bien entourée, restent le chagrin et l'attente, le club de gym L'Octogone a rouvert ses portes, je revois du monde, je retourne à terre faire des courses, j'ai un masque et même une visière...

Je me console en me disant que Jean n'a pas souffert, qu'il a dû faire un malaise , est au pays de sirènes et des langoustes, mais sa disparition ayant eu lieu le 12 septembre, le lendemain de mon anniversaire, le 11, après  avoir caréné notre chère Afrodite, que nous avions bien fêté joyeusement entre amis à Tyrell Bay de Carriacou, après ses 75 ans fêtés le 30 août, mes prochains 11 septembre seront désormais non plus associés à la catastrophe des Twin Towers, mais à la perte de l'homme avec lequel j'ai partagé 42 années de mariage...















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