POST-COVID
En France, «plusieurs centaines de milliers de personnes» toujours touchées par le Covid long
«La France n’a pas suffisamment pris la mesure de la réalité du syndrome post-Covid (SPC).» Cela va mieux en le disant. Le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars) est on ne peut plus clair dans son dernier avis rendu public lors d’une conférence de presse ce mercredi 8 novembre. Le Covid long (SPC) est bien «une réalité organique». Il ne s’agit pas d’une somatisation, comme certains médecins avaient pu le dire. Certains patients gardent même «parfois des séquelles définitives», rappelle le Covars.
Pour mieux prendre en charge ce syndrome qui toucherait environ 10 % des personnes infectées en France «et semble encore impacter au quotidien plusieurs centaines de milliers de personnes en France», selon son estimation, le Covars émet des recommandations. Globalement, il s’agit d’allouer des financements dédiés à cette pathologie, de mieux informer les professionnels de santé sur cette réalité, qui existe aussi chez les enfants et les adolescents. Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s’est empressé de réagir à la publication pour rappeler qu’il a saisi «la Haute autorité de santé, en août 2023, pour disposer de ses recommandations autour de la mise en place de parcours organisés et coordonnés de soins pour le syndrome post-Covid» et qu’il attend son avis.
Parcours de soins chaotiques
La prise en charge du Covid long reste compliquée. Tout d’abord parce que le diagnostic lui-même est difficile, en «l’absence de critères établis». Et pour cause : il peut entraîner plus de 200 symptômes différents selon les individus. Le Sars-Cov-2, le virus du Covid, est ainsi capable de se nicher dans le cœur, les vaisseaux sanguins, le rein, les intestins, les neurones, le poumon… Selon le Covars, le seul diagnostic possible est celui posé après un examen poussé effectué par le médecin généraliste qui connaît bien son patient. Problème, les deux tiers de la population française vivent dans une zone où le nombre de médecins généralistes est insuffisant, ou très insuffisant. Dès lors, les patients atteints de Covid long vivent des parcours de soins chaotiques avant qu’un médecin ne trouve le bon diagnostic.
L’infectiologue Xavier Lescure, également membre du Covars, évoque lors de la conférence de presse les trajectoires des patients atteints de SPC. «Certains vont être guéris, sans aucune conséquence», dit-il. Mais la majorité sont dits «rétablis». Ainsi ils reprennent le travail mais gardent des «séquelles», ressentent une «difficulté à encaisser les chocs de la vie» et ont des risques de «rechute». On pense au Zona, cette résurgence douloureuse du virus de la varicelle dont souffrent certains adultes quand ils ont un coup de moins de bien.
«Galère sans nom»
Ceci a de lourdes conséquences sociales et économiques. «En France, parmi une cohorte de patients souffrant des symptômes SPC, seuls 50 % avaient repris leur travail à plein temps un an après, 30 % à mi-temps et 20 % n’avaient pu reprendre le travail», écrit le Covars. «Aux Etats-Unis, le coût est estimé à 3 700 milliards de dollars [3 450 milliards d’euros] sur cinq ans, en tenant compte de la perte de qualité de vie sur cinq ans (2 195 milliards), la perte de revenus (997) et la hausse des frais de santé (528) 212, ce qui représente 1 % du PIB», avance le Covars dans son avis.
Dernier obstacle à la prise en charge de qualité, l’absence de traitement de fond pour ce virus apparu il y a seulement trois ans. Pour l’instant, on peut seulement soulager certains symptômes et apprendre aux patients à vivre avec leur nouvelle condition physique. C’est pourquoi le Covars appelle à un financement dédié au Covid long. «Le temps des émergences n’est pas terminé. Il faut se prémunir des syndromes post-infectieux des pandémies futures», lance la présidente du Covars, Brigitte Autran, toujours lors de la conférence de presse.
On part de loin. En août, David Smadja, professeur d’hématologie à l’université Paris-Cité et à l’hôpital Georges-Pompidou, avait publié dans la revue Angiogenesis des résultats encourageants dans le traitement de certains cas de Covid long. Quand il avait présenté sa découverte à Libération, il avait raconté ses difficultés à avoir des financements. «J’ai essuyé deux refus de financement de notre projet Covid long. C’est une galère sans nom. Quand on voit le nombre de patients qui nous appellent et le peu de moyens dont on dispose, c’est désespérant», se désole le chercheur. Dans son communiqué ce mercredi, pourtant, de hausse du nombre de médecins généralistes et de hausses des moyens pour la recherche, le ministère de la Santé n’en fait pas mention.
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