80 ans après la libération d'Auschwitz, les survivantes témoignent

Le 27 janvier 1945, le camp d’Auschwitz, où ont été assassinées plus d’un million de personnes, majoritairement juives, était libéré par l’armée soviétique. Quatre-vingts ans plus tard, Yvette, Judith, Ginette comptent parmi les derniers témoins qui font œuvre de mémoire pour l’avenir.


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Par Sophie Leclanché

Publié le 27 janvier 2025 à 07h00

L’entrée de Birkenau depuis l’extérieur des plus de 200 hectares du camp d’Auschwitz, en Pologne. Le complexe concentrationnaire a été créé en mai 1940 à l’initiative d’Himmler, organisateur de la « solution finale ». Le lieu de mémoire et le musée accueillent chaque année plus de 2 millions de visiteurs. photo Stéphanie Delannes

« Drancy, c’était plutôt agréable », lance Ginette Kolinka, déportée à Auschwitz à 14 ans. Assise à ses côtés, Esther Sénot, elle aussi survivante de la Shoah, lève les yeux au ciel puis parcourt du regard l’auditoire dont s’élève un murmure interrogatif. Subjectivité de la mémoire contre l’obstination des faits. À Paris, au Mémorial de la Shoah, une semaine avant la commémoration du 80e anniversaire de la Libération du camp d’extermination, celles qui, taquinant le siècle, comptent parmi les derniers témoins de l’Histoire ont raconté leur vécu.

Le 4 février, Ginette Kolinka fêtera son siècle. Son légendaire bagout et son opiniâtreté à témoigner ont fait d’elle une star. Elle s’adresse au public. « Voilà, la vieille est là. Ça va, vous êtes bien, là ? Parce que moi, je sais plus » : de quoi détendre l’atmosphère avant d’évoquer le pire. Au début de la guerre, sa famille est persuadée qu’il ne lui arrivera rien parce que tout le monde est français. « Mon père a fait 14-18, trois de mes sœurs sont mariées à des hommes qui ont fait 39-40 et l’un d’eux est même prisonnier en Allemagne. Donc je n’ai jamais eu peur de me faire arrêter.  »

« Je n’étais plus humaine »

Au printemps 1942, menacées d’être « dénoncées comme communistes », Ginette et sa famille se séparent en quatre groupes avec Avignon comme point de ralliement. Le 13 mars 1944, elle est arrêtée chez elle avec son père, Léon, son frère de 12 ans, Gilbert, et son neveu, Georges. Ils sont déportés par le convoi 71 – le même que Simone Veil – via Drancy « où elle s’est fait des amis ». Léon et Gilbert sont gazés dès leur arrivée. « On nous avait dit que ceux qui n’aimaient pas marcher pouvaient prendre les camions pour se rapprocher du camp. Je leur ai dit : “Allez-y, montez ! Et je les ai envoyés à la mort. Je me suis toujours sentie responsable de leur mort. »
Après Birkenau, entre octobre 1944 et avril 1945, Ginette connaît Bergen-Belsen et Theresienstadt. De ce film d’horreur qu’a été sa vie alors, sa mémoire renvoie des images chocs. « À l’appel, tout le monde devait être là, avec les mortes et les malades. « Les mortes, on les tirait pour les laisser tomber sur la place d’appel. On n’avait plus de pitié. On pensait : “tant mieux, c’est pas nous” […] Je crois alors que je n’étais plus humaine ». 


La Montagne - Mémoire - Connaissez-vous l'histoire d'Auschwitz-Birkenau, le camp d'extermination le plus meurtrier de tous les temps ?

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