JAMES BOND
À titre de comparaison, voici le classement des démarrages de chaque James Bond de l'ère Craig.
- 007 Spectre : 850.297 (4 982 985 entrées en fin d'exploitation)
- Quantum of Solace : 360.643 (3 722 798 entrées en fin d'exploitation)
- Mourir peut attendre : 290.000 entrées premier jour
- Skyfall : 258.331 (6 996 996 entrées en fin d'exploitation)
- Casino Royale : 160.637 (3 182 602 entrées en fin d'exploitation)
Quand on parle de cette polémique à Barbara Broccoli et Michael G. Wilson, producteurs historiques de la saga depuis, respectivement, 1987 et 1979, ils bottent en touche, préférant faire la promo de l’actrice – plutôt convaincante dans le rôle, reconnaissons-le, même si le personnage manque de profondeur. « Ce n’est qu’un numéro », prétendent par ailleurs Nomi et Bond au cours du film. Ce faux débat autour de l’éventuelle débandade de Bond est toutefois révélateur de la difficulté de la franchise à entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. James Bond – l’agent comme son œuvre – court désespérément après son temps.
À l’heure où Daniel Craig prend sa retraite après cinq films passés dans le costume cintré de l’agent secret, tout le monde y va de son avis sur qui devrait être son remplaçant… voire sa remplaçante. Qui d’un acteur blanc (on a longtemps évoqué James Marsden), noir (Idris Elba a eu la faveur des bookmakers) ou carrément une actrice (Gillian Anderson s’est dite intéressée) aura les faveurs d’Eon Productions, qui a la mainmise sur la créature créée par Ian Fleming en 1953 ? Selon Craig, « il devrait tout simplement y avoir de meilleurs rôles pour les femmes et les personnes de couleur ». D’après Laurent Perriot, spécialiste français de l’agent britannique : « Ce n’est pas comme ça que le personnage a été écrit par Fleming ou comme ça qu’il est défini. Ça ne veut pas dire que les choses n’ont pas évolué, mais travestir une idée de départ n’est jamais une bonne chose. » Pour Barbara Broccoli, dont l’avis a sans doute plus de poids : « James Bond pourrait être de n’importe quelle couleur, mais il doit rester un homme. Créons de nouveaux personnages forts pour les femmes. Cela ne m’intéresse pas de faire jouer un rôle d’homme par une femme. »
James Bond ne sera donc jamais une femme. Avant de disserter sur son genre, il faudrait d’abord se demander si le commander Bond est condamné à rester un affreux macho. Depuis 1962, et la première apparition du mâle alpha Sean Connery, la saga s’est construite sur ses gadgets, ses aventures mondialisées, des vodka-Martini au shaker et sur ses James Bond girls qui, dans un monde post-#MeToo, semblent terriblement datées.
On trouve un florilège de scènes surrannées tout au long des épisodes de la saga, même les plus récents : objectification des femmes, flirt avec la culture du viol, caméra détaillant les corps féminins façon puzzle (Ursula Andress et Halle Berry qui sortent de l’eau à près de quarante ans d’écart), noms suggestifs et improbables (dont des personnages littéralement appelées Pussy Galore et Dr. Goodhead), etc. James Bond serait-il la personnification ultime du patriarcat ?
Flou du consentement
La saga n’est évidemment pas exempte de femmes fortes et émancipées dont certaines arrivent même à résister à ses charmes. Mais les persistances rétiniennes sont tenaces. « Bond a toujours été le reflet de son temps, relève Michael G. Wilson. Le personnage a toujours été joué par des acteurs à poigne, à leur place dans leur époque. » Les tapes sur les fesses du Bond de Connery restent donc ancrées dans les swinging sixties. Que faire alors des visites impromptues sous la douche du Bond de Craig et de ses embrassades qui jouent sur le flou du consentement avec une veuve éplorée (respectivement dans Skyfall en 2012, et Spectre, en 2015) ?
Car le XXIe siècle n’est plus l’ancien monde. Si la saga est commercialement dépassée sur sa droite par des franchises plus en accord avec le cinéma d’action contemporain (Jason Bourne et Mission : Impossible ont obligé les productions Bond à se moderniser), elle est aussi rattrapée par l’air du temps. Le mouvement avait déjà été amorcé sous l’ère Pierce Brosnan, avec des personnages qui se font moins potiches, comme Elektra King (Sophie Marceau, Le monde ne suffit pas, 1999), Jinx (Halle Berry, Meurs un autre jour, 2002), ou surtout M (Judi Dench), récurrente supérieure à poigne de GoldenEye (1995) à Skyfall (2012). Puis il y a eu Vesper Lynd (Eva Green, Casino Royale, 2006) et Madeleine Swann (Léa Seydoux, Spectre et Mourir peut attendre), dont les aventures romantiques avec Bond ont un impact direct sur le personnage et l’histoire. Ou encore Moneypenny (Naomie Harris, présente depuis Skyfall), passée de secrétaire transie à agent de terrain, et la nouvelle venue Nomi, qui récupère, donc, le 007.
Féminisation ou instrospection ?
« La féminisation de la saga passe par un Bond entouré de personnages féminins influents », confirme Barbara Broccoli, garante du personnage dont son père, Albert « Cubby » Broccoli , a acheté les droits d’adaptation cinématographique à la fin des années 1950. Mais elle précise : « Ce qui a permis à Bond de rentrer dans ce nouveau siècle, c’est surtout ce plongeon dans sa vie émotionnelle : c’est un Bond qui saigne, qui pleure, un grand huit d’émotions. C’est l’aspect le plus intéressant dans cette histoire. »
La transformation de la franchise passe donc plutôt par l’introspection : sous l’ère Daniel Craig, James Bond passe du bloc monolithique de testostérone à un homme sensible avec des fêlures – même s’il défonce des murs de placo à coups d’épaules. Mourir peut attendre termine d’ailleurs la mue du personnage : l’intrigue se passe dans le cœur et la tête de Bond, incarné par un Daniel Craig convaincant dans le rôle d’un agent qui se laisse guider par ses sentiments.
Mais pour convaincre entièrement, encore faut-il que le traitement de ces « James Bond women » – selon l’expression mise à jour par Barbara Broccoli – aille aussi dans le bon sens. Soigner l’écriture des personnages, c’était justement le sacerdoce de Phoebe Waller-Bridge. Avec l’interminable attente et la conclusion de l’ère Craig, la présence de la géniale créatrice de la série Fleabag, devenue l’autrice la plus en vue de Hollywood, au sein de la très masculine équipe de scénaristes, était une autre raison d’être excité par ce Mourir peut attendre.
Arrivée pour superviser la réécriture du script final et des dialogues, qui portent son indéniable patte, elle disait toutefois à Deadline : « On a beaucoup disserté pour savoir si la franchise Bond était pertinente aujourd’hui, à cause de sa personnalité à lui et de sa manière de traiter les femmes. Bien sûr qu’elle l’est ! Elle doit seulement grandir et évoluer. L’important, c’est que le film traite les femmes de manière respectueuse. Lui n’a pas forcément à le faire, il doit coller au personnage. »
« Le fait qu’elle est une femme ne signifie pas qu’elle écrit seulement pour les femmes », tempère Barbara Broccoli au sujet de l’introduction d’un certain regard féminin dans la saga. Il est vrai que, dans Mourir peut attendre, James Bond est entouré de femmes qui ne sont plus vraiment sensibles à ses charmes, qui n’ont pas forcément besoin de lui pour agir, survivre et (lui) sauver la mise et qui arrivent même à se parler entre elles, sans qu’il soit présent dans la pièce. Mais Bond reste toujours au centre de toutes les conversations et des enjeux du film. Même quand il s’agit de son matricule, le mâle s’avère tenace. Ce double 0 confisqué finit par lui être rendu, de manière un peu factice, par la nouvelle recrue Nomi, comme pour mieux le confirmer : plus qu’un numéro, 007 est un permis d’éclipser les autres qui pose encore problème.
QUESTION
C'est une vieille et surprenante théorie de fans qui refait surface ces jours-ci : et si le long métrage "Rock", porté notamment par Sean Connery, était en réalité... un volet de la saga James Bond ?
Rock, sorti en salles en 1996, narre la collaboration, afin de contrecarrer les plans d'un terroriste, entre un expert en armes chimiques et l'unique prisonnier ayant réussi à s'évader de la prison d'Alcatraz. Dans les deux rôles principaux du long métrage signé Michael Bay, on retrouve Nicolas Cage et Sean Connery.
Petit classique du cinéma d'action, Rock serait-il bien plus que cela ? Depuis plusieurs années, une théorie soulevée par certains fans voudrait en effet que le film soit en réalité l'ultime aventure de Sean Connery dans le rôle de James Bond. Un certain Apprehensive-Test-26, qui se base notamment sur la chronologie de Rock et des six opus officiels de Connery dans le smoking de l'agent secret, est en tout cas formel sur la question.
Une phrase de Rock indiquant que John Mason, le personnage joué par Sean Connery, a été incarcéré à Alcatraz en 1962 et s'est échappé en 1963, serait ainsi la preuve que le film est un chapitre de la franchise "bondienne". Pour le fan, qui a profité du 25e anniversaire de Rock pour étayer sa théorie, James Bond aurait été capturé par une patrouille de Marine après les événements de Dr. No (sorti en salles en 1962) puis emprisonné six mois jusqu'aux aventures de Bons baisers de Russie en 1963.
Selon Apprehensive-Test-26, John Mason, entre 1963 et sa nouvelle capture en 1972, aurait tout simplement été l'agent de Sa Majesté, la dernière aventure de Sean Connery en 007, Les Diamants sont éternels, datant de 1971 et se concluant... à San Francisco, soit à quelques encablures de la prison d'Alcatraz.
Si la théorie semble quelque peu tirée par les cheveux, on notera que Rock glisse tout de même quelques véritables clins d'oeil à la saga 007. On peut ainsi entendre dans le film de Michael Bay que le personnage de Mason a été entraîné par le Secret Intelligence Service, tout comme James Bond. Ou repérer le "But of course you are" de Mason, réplique similaire à celle prononcée par Bond à Plenty O'Toole (Lana Wood) dans Les Diamants son éternels.
James Bond : la théorie du nom de code
comment la saga James Bond a failli s’arrêter plusieurs fois Jérémie Maire et François-Xavier Richard |
Mourir peut attendre, Tuer n’est pas jouer, Demain ne meurt jamais ou encore Meurs un autre jour. La franchise James Bond entretient une fascination morbide pour la vie et la mort. Notamment parce que 007 est doté du permis de tuer – le fameux double zéro – mais aussi parce que la franchise elle-même a bien souvent failli finir six pieds sous terre. Depuis l’achat des droits cinématographiques du personnage (créé par Ian Fleming) par les deux producteurs Harry Saltzman et Albert « Cubby » Broccoli, à la fin des années 1950, James Bond s’est vu tiraillé entre querelles de studios, adaptations dissidentes du personnage, ennuis financiers et déveine au box-office… Quand ce n’est pas la conjoncture extérieure – comme la grève des scénaristes à Hollywood ou une pandémie mondiale – qui mettait des bâtons dans les roues de son Aston Martin. Heureusement que la famille Broccoli tient bon la barre Bond depuis soixante ans, trouvant de quoi relancer la saga. « L’histoire de James Bond est une histoire heureuse, mais elle n’est pas qu’un long fleuve tranquille », nous explique Laurent Perriot, cofondateur du fan-club français et grand expert du Commander Bond. Voir la vidéo |
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