MARTINIQUE
D’après les grévistes, l’ensemble aurait été déposé sur le rond-point par un petit groupe de jeunes quelques jours auparavant, sans que personne ne sache trop d’où il venait. Aussi interloqués qu’amusés, ils ont alors décidé d’en faire une «statue vaudou». Une façon de moquer les pseudo-analyses déconnectées d’un médecin sur les plateaux TV de la métropole, qui avait expliqué lors de la vague de contaminations de l’été que les Antillais se soignaient au rhum et aux rites mystiques.
Chez un petit groupe de femmes, abritée sous un préau voisin du rond-point, la statue fait beaucoup rire. «Elle symbolise toutes les choses discriminantes qu’on a entendues sur nous dans les médias parisiens», regrette Sandrine, préparatrice en pharmacie quand elle ne participe pas aux blocages, tee-shirt du syndicat sur les épaules. «Pensez à leur dire qu’on n’est pas des illettrées et qu’aucune d’entre nous n’a un ti-punch dans la main», complète une de ses collègues de lutte, montrant à la place l’orange qu’elle déguste ramenée par un habitant du coin pour soutenir les manifestants.
Dans leur viseur, les reportages dépeignant la contestation comme un mouvement dangereux et désorganisé. Eloïse, auxiliaire puéricultrice de 31 ans, reconnaît qu’il y a bien «des cas isolés» de violence «mais il faut bien les distinguer des grévistes» : «Le gouvernement cherche à nous décrédibiliser en parlant des affrontements, mais ici on est avant tout pacifiques.» Leur présence dès les premières lueurs du jour jusqu’aux dernières heures de la nuit a d’ailleurs aussi pour but d’encadrer les jeunes qui viennent sur le rond-point, et éviter tout débordement qui ferait de l’ombre à leurs revendications.
Ici on pointe notamment l’organisation de l’arrivée de la transat Jacques Vabre à Fort-de-France alors que le tour des yoles (des petites embarcations à voiles), véritable tradition locale, a été annulé pendant l’été. «En plus ils l’appellent “la course du café”… Si ça, ce n’est pas une façon de rappeler le colonialisme !», peste la population.
la venue du ministre dans les prochains jours n’y change quoi que ce soit. «C’est une goutte d’eau dans la mer. Il vient nous dire ce que Macron lui a dit de raconter, faire semblant de nous écouter, puis pour nous demander de lever les barrages. Il n’y aura rien de concret». «Ce n’est pas en une journée que l’Etat va tout changer. Le ministre connaît la situation, s’il avait voulu faire quoi que ce soit, il l’aurait déjà fait.»
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