BRAVO Kirsten Neuschäfer
Golden Globe Race. Kirsten Neuschäfer : « Je mène ma vie avec un optimisme peut-être inconscient »
Après une courte nuit passée à bord de son bateau Minnehaha - eau rieuse en langage sioux -, la Sud-Africaine s’est pliée à l’exercice de la conférence de presse pour revenir sur les 235 jours de mer qui l’ont emmené à la victoire de la Golden Globe Race 2022. Adversité, préparation, contemplation, liberté, avenir… De nombreux thèmes ont été abordés. Morceaux choisis.
Concurrence
Je veux remercier les autres concurrents car sans eux, ce tour du monde n’aurait pas été une course. La concurrence était rude, notamment celle de Simon Curwen, qui était toujours devant moi. Quant à Abhilash Tomy, je savais qu’il n’était jamais loin. Cela m’a obligé à donner le meilleur de moi-même, à naviguer le plus rapidement possible.
Solide compagnon de route
Je n’ai jamais pensé que j’allais abandonner. Je n’avais aucune raison de le penser car le bateau marchait très bien et, de fait, tout tourne autour du bateau. C’est lui qui vous fait vivre. Il ne m’a jamais laissé tomber. Du coup je savais que je franchirais la ligne.
Bonne surprise
Je m’attendais au pire et j’espérais le meilleur pour cette arrivée. Je savais qu’Abhilash et moi étions très proches et au moment où j’ai été très ralentie dans ma remontée de l’Atlantique, je ne savais pas s’il était dans les parages. Je gardais l’espoir d’être bien placée et à 7 milles des Sables-d’Olonne, le premier bateau qui est venu à ma rencontre m’a annoncé que j’étais première. Et là, cela a été dingue ! J’ai su que j’étais la gagnante.
Une nouvelle Golden Globe Race ?
Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. Pas forcément car j’ai accompli ce rêve et je peux maintenant passer à autre chose. Cela permettrait de laisser l’espace à quelqu’un d’autre (rires). Et puis je vis dans l’instant depuis des mois. J’ai du mal à me projeter vers l’avenir.
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Préparer son bateau pour un tour du monde
80 % de la course se joue avec la préparation avant départ. S’aligner au départ d’une course autour du monde est la partie la plus difficile. Et il est essentiel de le faire cette préparation soi-même autant que possible. Savoir exactement où se trouve quoi, comment réparer, monter, démonter… On m’a quand même demandé pourquoi j’avais choisi d’acheminer mon bateau par la mer entre l’Afrique du Sud et Les Sables-d’Olonne pour rejoindre le départ… C’était pour moi une occasion unique de mieux connaître mon bateau, d’apprendre à bien le faire marcher, de voir comment il se comportait et comment moi j’allais me comporter à son bord, de voir comment j’allais pouvoir l’améliorer aussi ! Une telle préparation est vitale et l’aide de mon préparateur a été déterminante dans ce projet.
Journée type
Quand tout va bien, qu’il n’y a pas de tempête, d’avarie à réparer, etc. la journée démarre par du café, tant qu’il en reste à bord. Il faut ensuite se préparer mentalement à la navigation qui va suivre en essayant de se situer pour voir où l’on se trouvera quelques heures après. Cela oblige à regarder ce qui se passe autour de soi. Il faut également faire le tour du bateau. Tout vérifier. Régler les voiles aussi pour gagner un peu de vitesse. On essaye aussi de grappiller un peu de sommeil car on ne sait pas ce que la nuit à venir nous réserve. On essaye aussi de prendre un peu de temps pour lire, regarder la mer, sentir le vent…
Refuge
Cette nuit, après mon arrivée, j’ai dormi sur mon bateau parce que c’est chez moi, c’est mon foyer. Cela l’a été pendant 233 jours et des poussières. Lorsque je suis allé chercher ce bateau à Terre-Neuve et qu’il faisait froid, j’étais sur l’île Prince Edward et il y avait un vent à décorner les bœufs. Je me suis alors abritée pendant quelques jours dans mon bateau et c’est là qu’a débuté notre grande histoire d’amour.
Le sauvetage de Tapio Lethinen
Quand j’ai reçu le message que Tapio venait de couler, je me disais qu’il ne pouvait pas être très loin car nous étions passés presque en même temps à la porte de l’Afrique du Sud. J’ai donc appelé l’organisation de la course et j’ai proposé mon aide. Mon unique but a alors été d’arriver sur lui le plus rapidement possible, que ce soit à la voile ou au moteur. C’est tout ce que j’avais en tête. Évidemment, je n’avais jamais fait cela avant et j’ai trouvé hallucinant de voir à quel point il est difficile de trouver un radeau dans une mer formée. Je ne voyais rien ! J’avais une corde prête à être envoyée à Tapio, qui était du mauvais côté par rapport à mon angle d’approche mais Tapio s’en est emparé et je l’ai hissé à bord. Là, on a pu souffler. Le bateau venu le secourir est arrivé peu de temps après. Son équipage a été très professionnel. Il m’a expliqué comment il comptait récupérer Tapio. Il devait se rapprocher de moi pour que celui-ci attrape une échelle mais je craignais que cet énorme bateau se rapproche trop et endommage mon voilier. J’ai réussi à me rapprocher suffisamment et tout s’est finalement bien passé. Tapio a pu s’accrocher à l’échelle et monter à bord.
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Peur
Je n’ai jamais vraiment eu peur ou pensé que m’a vie était en danger. Je traverse la vie et je mène ma vie avec un optimisme peut être inconscient. J’y vais avec mon cœur donc je ne m’imagine pas que je vais mourir. Et puis le fait est que j’ai eu de la chance puisqu’il ne m’est rien arrivé de grave. Il n’y a jamais eu de moment où ma vie était en danger.
Coups de mou
J’ai eu des moments de découragement mais j’ai toujours su pourquoi je faisais cette course. Les pires moments ont été les moments de calme, où il n’y avait rien à faire. Le pire a été le pot au noir. Ça m’a achevé. Quand j’étais trop frustrée, je plongeais et je m’éloignais du bateau. C’était ma manière de faire le vide.
Liberté
Hier, le 27 avril est le jour de mon arrivée et le jour de la liberté en Afrique du Sud qui commémore la fin de la domination politique de la minorité blanche sud-africaine. Nous l’appelons aussi le jour de Mandela. Et si je ne suis pas un modèle ou du genre à donner des leçons, c’est quelqu’un que j’aurais vraiment aimé rencontrer. Il est très important pour moi, très important dans ma vie. J’adore l’Afrique du Sud d’aujourd’hui et l’égalité des genres et des races qui s’est considérablement développée là-bas. Quand on pense à ce que veut dire le mot liberté, je suis heureuse d’appartenir à ma génération. Personne ne m’a empêché de faire ce que je voulais faire. Cela aurait sans doute beaucoup plus difficile pour la génération de ma mère. Gagner le jour de Mandela, cela me touche beaucoup.
EN IMAGES. Kirsten Neuschäfer remporte la Golden Globe Race et entre dans l’histoire
À 40 ans, Kirsten Neuschäfer, seule femme engagée sur ce tour du monde en solitaire, sans escale, sans assistance et sans technologie moderne afin de respecter l’esprit originel du premier Golden Globe, vient de s’imposer ce jeudi soir à 21h43 minutes et 47 secondes, après un peu plus de 235 jours de mer ! Un épilogue qui s’est fait beaucoup attendre puisque la navigatrice est tombée dans une bulle sans vent à quelques milles des Sables-d’Olonne.
Qu’elle était belle la joie de Kirsten Neuschäfer à quelques minutes – qui se sont transformées en heures – de franchir la ligne d’arrivée de la Golden Globe Race, mouillée en face du mythique chenal des Sables-d’Olonne. Elle venait juste d’apprendre qu’elle était la première concurrente classée à se présenter, Simon Curwen l’ayant précédé mais hors course. « Je savais qu’il y avait une possibilité que je sois première » déclarait Kirsten au bateau lui annonçant la bonne nouvelle. « C’est pour cela que j’ai poussé mon bateau à son maximum ces derniers jours ». Mais la volonté impressionnante de cette femme n’a pas suffi à faire avancer son voilier sur les derniers milles.
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Première femme à remporter une course au large autour du monde
Le vent avait subitement décidé de se retirer d’un jeu où il a pourtant beaucoup donné. Après toutes les tempêtes essuyées pendant les 27 000 milles du parcours, Kirsten a terminé au ralenti, comme si l’aventure refusait de se terminer… après près de 8 mois en mer ! Annoncée un temps pour 18 heures, c’est finalement 4 heures plus tard qu’elle s’est engagée dans le chenal des Sables-d’Olonne où l’attendait un public nombreux. Sourire aux lèvres et fumigènes à la main, elle est entrée dans l’histoire comme la première femme à remporter une course au large autour du monde sans escale et sans assistance, qui plus est sans technologie moderne. Mais ce qui lui importait avant tout, au-delà des questions de genre, c’était de gagner en bon marin, ce qu’elle a fait, avec brio et persévérance. Bravo Kirsten !
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