Par Bastien Loeuillot
20 mai 1994. Sarajevo est prise en étau par les forces yougoslaves et croule sous les tirs des snipers depuis un mois et demi. À 1350 kilomètres, sur une pleine page, Libération titre : «BHL lance sa liste biodégradable pour Sarajevo.» À quelques semaines des élections européennes, Bernard-Henri Levy annonce les premiers noms de sa liste «L’Europe commence à Sarajevo», menée par le cancérologue Léon Schwartzenberg. L’auteur vient de réaliser Bosna !, un documentaire sur la guerre dans les Balkans. À ses côtés, André Glucksmann, Marek Halter, Michel Polac et le gratin du milieu intellectuel de la capitale, souhaitent remettre la question bosnienne au cœur des européennes.
Sans réelle ambition politique, présentée comme une «liste de mise en demeure» des «grandes» listes selon le communiqué officiel, elle a deux objectifs : le retrait de l’embargo sur les armes pour permettre aux Bosniens de se défendre et «dénoncer clairement la politique menée par François Mitterrand, Édouard Balladur et Alain Juppé», selon BHL. Une position dénoncée le jour même dans Libé, par un édito d’Alain Duhamel. «BHL considère que la France, Mitterrand en tête, […] porte une responsabilité écrasante, déshonorante même dans la situation actuelle», écrit l’éditorialiste, rappelant que la France a envoyé de nombreux casques bleus sur place, flattant le travail du ministre des Affaires étrangères Juppé.
0 siège
Une semaine après l’annonce de la liste, les sondages lui donnent 5 à 12 % des votes. Mais la nouvelle posture de la liste de la majorité sur le sujet change la donne. «Les électeurs auraient tort de voter pour nous, alors que Michel Rocard défend les mêmes positions que nous sur la Bosnie», avoue Schwartzenberg à l’annonce officielle de l’inscription de la liste, le 28 juin. Les voix gagnées le sont au détriment du PS et des listes de gauche. Deux jours plus tard, Levy souhaite retirer sa liste, finalement maintenue par la Schwartzenberg. Un choix que justifie l’écrivain dans une longue tribune dans nos pages, le 2 juin 1994. La liste n’obtient qu’1,57 % des voix et zéro siège au Parlement européen. Trente ans plus tard, l’Ukraine est bombardée par la Russie. En France, aucune liste pour cette cause n’est créée.
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