LES SARGASSES ÇA AGACE

La façade Atlantique engluée dans les sargasses

B.L. et M-C.B.Jeudi 09 juin 2022

Du Marigot à Sainte-Anne, tout le littoral Atlantique suffoque sous des quantités impressionnantes d'algues brunes échouées ces derniers jours. Une situation difficile à vivre pour les populations résidant à proximité et un combat quotidien à livrer pour les municipalités confrontées au problème.

La côte Atlantique est fortement touchée par les arrivées massives de sargasse. Ici,

un échouage spectaculaire

sur la trace des caps.

© Rodolphe Lamy

Tout le littoral robertin suffoque, ici la Pointe Hyacinthe...

© DR

Les restaurants du Cap Chevalier, à l'abri des odeurs,

sont timidement fréquentés et attendent la clientèle.

© M-C.B.

Un barrage à la baie de Cayol. Un système qui fonctionne bien mais doit être entretenu régulièrement. La municipalité robertine souhaite élargir son dispositif de barrage, seul moyen, selon, elle, de lutter efficacement contre les sargasses.

© D.R.

Les nappes sont encore

très visibles à l'Anse au Bois

et l'anse Michel,

à Sainte-Anne.

© M-C.B.

A Four à chaux, l'air est irrespirable.

© DR

"Les balades en mer, baignades et visites de l'îlet sont toujours possibles", rassurent les professionnels du tourisme, à Sainte-Anne.

© MCB

"C'est l'enfer en ce moment, confie Michèle Mirande, une habitante de Sainte-Anne. Il y a, en permanence, nauséabonde. Personnellement, j'ai des inflammations au niveau de la gorge qui entraînent une toux sèche."

© MCB

<p melodystyle="legende">La côte Atlantique est fortement touchée par les arrivées massives de sargasse. Ici, </p><p melodystyle="legende">un échouage spectaculaire </p><p melodystyle="legende">sur la trace des caps.</p> - Rodolphe Lamy
<p melodystyle="legende">Tout le littoral robertin suffoque, ici la Pointe Hyacinthe...</p> - DR
<p melodystyle="legende">Les restaurants du Cap Chevalier, à l'abri des odeurs, </p><p melodystyle="legende">sont timidement fréquentés et attendent la clientèle. 	       </p> - M-C.B.
<p melodystyle="legende">Un barrage à la baie de Cayol. Un système qui fonctionne bien mais doit être entretenu régulièrement. La municipalité robertine souhaite élargir son dispositif de barrage, seul moyen, selon, elle, de lutter efficacement contre les sargasses.	     </p> - D.R.
<p melodystyle="legende">Les nappes sont encore </p><p melodystyle="legende">très visibles à l'Anse au Bois </p><p melodystyle="legende">et l'anse Michel, </p><p melodystyle="legende">à Sainte-Anne.</p> - M-C.B.
<p>A Four à chaux, l'air est irrespirable.</p> - DR
<p>"Les balades en mer, baignades et visites de l'îlet sont toujours possibles", rassurent les professionnels du tourisme, à Sainte-Anne.</p> - MCB
<p>"C'est l'enfer en ce moment, confie Michèle Mirande, une habitante de Sainte-Anne. Il y a, en permanence, nauséabonde. Personnellement, j'ai des inflammations au niveau de la gorge qui entraînent une toux sèche."</p> - MCB
Si d'ordinaire les marcheurs quittent la Trace des Caps avec du bleu plein les yeux, en ce moment, ce sont des images saturées de jaune et de brun qui demeurent en mémoire. « Je n'avais jamais vu ça », témoigne Jean-Paul, un randonneur qui a parcouru ce sentier durant le week-end, avec des amis.

« Du Vauclin à Sainte-Anne, toutes les anses sont remplies d'algues, les quantités sont impressionnantes. Par endroits, l'odeur est pestilentielle. Malgré ça, il y a des campeurs au Cap Macré, au Cap Chevalier... Je ne sais pas comment ils font pour supporter... » A l'Anse Trabaud, le marcheur estime que les sargasses couvrent « une surface de 45 mètres de large sur la plage ». Un tapis épais et odorant qui transforme le paysage et risque fort de repousser touristes et visiteurs.
 

« C'est l'enfer ! »

Pour les riverains, la situation est difficile à supporter.  « C'est l'enfer en ce moment ! », s'exclame Michelle Mirande, habitante de l'Anse Michel . « Il y a en permanence une odeur nauséabonde » constate cette Saintannaise qui affirme souffrir d'inflammation au niveau de la gorge, inflammation entraînant une toux sèche épuisante. « Depuis plusieurs années, je n'achète plus de télévision, la plupart des appareils sont rouillés, et ne parlons même pas des robinets, ajoute-t-elle. Les sargasses c'est toute l'année maintenant. Nous avons dû fermer définitivement notre restaurant familial pour faire autre chose. » Dans ce secteur de Sainte-Anne, la plupart des activités ont connu un terme douloureux en raison d'une situation devenue invivable.

En revanche, au Cap Chevalier, une certaine dynamique anime le quartier et les acteurs économiques, restaurateurs et excursionnistes, de manière unanime, tiennent à rassurer tous les visiteurs : « Certes il y a des sargasses, mais cela n'empêche pas la fréquentation des lieux notamment pour la baignade à l'îlet Chevalier, ou même la visite des fonds et des environs ». Ils précisent, par ailleurs, que « l'odeur ne gêne pas les restaurants qui sont à l'abri ». Et d'ajouter, espérant que leur appel sera entendu : « Il ne faut pas que chaque fois que l'on annonce la présence de sargasses sur le territoire de Sainte-Anne, les gens cessent de venir jusqu'à nous ! »
 

Gigantesque manteau brun

En remontant la côte Atlantique, plus au Nord, la commune du Robert, est elle aussi touchée par cette calamité. Ces derniers jours, les échouages enregistrés se distinguent par la quantité colossale d'algues charriées. La baie est recouverte d'un gigantesque manteau brun de 5 kilomètres de long et 20 mètres de large. « Cela va du stade à Four à chaux, on n'avait pas vu de telles quantités depuis longtemps », lance un habitant soucieux de savoir « comment les autorités vont faire avec ça ! ».

Au-delà du bourg, tout le littoral est concerné par les arrivées massives de sargasses, de la baie de Cayol à Pointe La Rose en passant par Pointe Rouge, Pointe l'Ecurie, Pointe Lynch, Ponthaléry, Four à Chaux Pointe Hyacinthe, Sable Blanc... « Depuis une dizaine de jours, nous sommes très fortement impactés », se désole Rémy Harnais, élu en charge des travaux, en partageant avec nous une série de photos prises dans les différentes zones touchées. Les Robertins ont beau « prier » pour que, « comme ça arrive parfois », les courants entraînent soudain au large les algues échouées, il n'en est rien cette fois. Une marée jaune brunâtre englue littéralement la côte.
 

Un combat titanesque

Au quotidien, la municipalité livre un combat titanesque contre ce fléau. Pour tenter d'endiguer l'invasion de sargasses, la ville utilise du matériel mis à disposition par Cap Nord (une pelle et un camion à benne)  mais aussi des pelles (dont certaines à long bras) qu'elle est contrainte de louer. Les algues enlevées sont transportées  vers un lieu de stockage contigu à la mangrove. « La location des engins nous coûte près de 7000 euros par jour », détaille l'élu qui annonce l'arrivée prochaine d'un deuxième sargator. Ce dernier devrait quitter Saint-Nazaire dans quelques jours. L'acquisition de cette machine ainsi que celle d'une barge a pu se faire grâce au soutien de l'Etat.

« Nous avons déjà un sargator qui nous permet d'enlever les algues en mer, derrière les filets, mais c'était important d'en avoir un second. Si le premier tombe en panne on ne sera pas en rade et cela nous permettra de gagner en efficacité », observe Rémy Harnais. Selon lui, la guerre contre les sargasses ne pourra être remportée qu'avec l'installation de nouveaux barrages dans les secteurs affectés. « Il est primordial de stopper les algues avant qu'elles ne s'échouent à terre », lâche-t-il. Nous avons fait une demande de fonds européens afin de pouvoir élargir ce dispositif. Si on gagne ce combat, on aura fait un grand pas.  « Des avancées », c'est ce que réclament les populations exposées, soumises à d'importants taux d'hydrogène sulfuré et d'ammoniac. « Les gens nous interpellent tous les jours sur la question des algues, reconnaît Rémy Harnais. On ne peut que les comprendre. Moi même, quand je me trouve sur le terrain, au bout d'une demi-heure, je me sens mal ». Sur le front des algues, l'urgence de trouver des solutions durables demeure vive.

Tout le littoral robertin suffoque, ici la Pointe Hyacinthe...

- DR

Les restaurants du Cap Chevalier, à l'abri des odeurs,

sont timidement fréquentés et attendent la clientèle.

- M-C.B.

Un barrage à la baie de Cayol. Un système qui fonctionne bien mais doit être entretenu régulièrement. La municipalité robertine souhaite élargir son dispositif de barrage, seul moyen, selon, elle, de lutter efficacement contre les sargasses.

- D.R.

Les nappes sont encore

très visibles à l'Anse au Bois

et l'anse Michel,

à Sainte-Anne.

- M-C.B.

A Four à chaux, l'air est irrespirable.

- DR

"Les balades en mer, baignades et visites de l'îlet sont toujours possibles", rassurent les professionnels du tourisme, à Sainte-Anne.

- MCB

"C'est l'enfer en ce moment, confie Michèle Mirande, une habitante de Sainte-Anne. Il y a, en permanence, nauséabonde. Personnellement, j'ai des inflammations au niveau de la gorge qui entraînent une toux sèche."

- MCB

Une consultation sargasses au CHUM encore peu connue

Depuis 2018, le service des urgences du CHU de Martinique a mis en place une « consultation sargasses » tous les jeudis après-midi. Près de 300 patients « chroniques » y ont déjà été vus par les équipes du professeur Dabor Résière, médecin réanimateur-toxicologue au CHUM.

« Cette consultation est un plus. Cela nous a permis de mieux connaître les caractéristiques de ces patients, les symptômes et surtout les orienter vers d'autres spécialistes comme l'ophtalmologie, la cardiologie, la pneumologie... », énumère le professeur Résière.

Mais, force est de constater que cette consultation est encore bien méconnue de la population et surtout des personnes régulièrement exposées aux échouements des algues brunes. 

La faute à ? Probablement un déficit de communication auprès de la population, un manque de signalétique sur place -la consultation se déroule, dans le nouveau plateau technique, non loin des urgences...- et à des médecins traitants en première ligne qui ne redirigent pas forcément leurs patients vers cette consultation sargasse. 

Si vous êtes exposés régulièrement aux sargasses, vous pouvez bénéficier de cette consultation qui se déroule tous les jeudis.

> Contact 0596 552000

Quels sont les effets sur la santé ? 

Si les sargasses ne sont pas ramassées dans les 48 heures, échouées, elles dégagent plus de 30 gaz, dont les principaux sont l'hydrogène sulfuré (H2S), l'ammoniac (NH3) et l'arsenic inorganique, c'est-à-dire dans sa forme la plus toxique. 

Ce qui provoque chez les personnes exposées des maux de tête, la gorge qui pique, des douleurs abdominales, des nausées, des yeux qui grattent, qui brûlent, un nez bouché ou qui coule...

Mais ce que les médecins, chercheurs savent moins ce sont les conséquences d'une exposition à long terme au gaz d'émanation des algues sargasses. Là, les conséquences sanitaires sont inconnues.

« Bien que moins documentées, les expositions à long terme peuvent provoquer une irritation de la conjonctive et des voies respiratoires supérieures, des céphalées, un syndrome vestibulaire, une perte de mémoire et une modification des capacités d'apprentissage, mais on ne connaît pas l'impact que cela a sur la santé durablement. Et vu la manière dont on gère ce problème, cela va nous prendre beaucoup de temps de connaître les effets sur le long terme », indique le professeur Résière. 

L'étude Sargacare bientôt lancée

Le projet Sargacare, pour évaluer les effets des sargasses sur la santé humaine et les conséquences à court et moyen terme, porté par le CHU de Martinique depuis novembre 2019 et au point mort, jusque là, devrait connaître d'ici peu des avancées.

« Nous avons perdu quatre ans pour bénéficier des fonds Sargacare. C'est cette nouvelle équipe à la CTM qui, en octobre 2021, va nous permettre d'avoir ces fonds. Faire de la recherche est difficile et la réponse aux effets des sargasses sur la santé humaine viendra de la recherche clinique, même expérimentale », indique le professeur Résière.

Le projet Sargacare repose « sur trois secteurs de recherche : la caractérisation du tableau d'intoxication, mal connu pour les expositions chroniques alors que les populations sont exposées de façon répétée, même à faible intensité, le mécanisme d'atteinte toxique et l'analyse de la perception en termes d'approche anthropologique et sociale. »

Évalué initialement à 2,4 millions d'euros, le projet a été revu à 1,2 million d'euros par l'Agence nationale de la recherche. Une étude financée par l'ANR, la Région Guadeloupe et la CTM,  les Fonds Feder ainsi qu'une société scientifique institutionnelle du Brésil.





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